CIRCUIT COURT. Dans la métropole chartraine, la résidence Le Onze deviendra le démonstrateur de ce que l'économie circulaire peut représenter dans le bâtiment. A commencer par l'un des matériaux de construction, le béton, recyclé et réincorporé dans les murs des futurs logements.

Autour de la ville de Chartres, le béton poursuit son petit bonhomme de chemin. S'il faut insister sur le terme "petit", c'est parce que le béton suit un circuit de plus en plus court, dans un objectif de réduction de la consommation de ressources, de transport et de carbone.

 

Dans la résidence Le Onze, le Centre d'études et de recherche de l'industrie du béton (Cerib) pilote un projet en ce sens. Dans cet immeuble démonstrateur, le promoteur Pierres et territoires (réseau Procivis) commercialise 12 logements collectifs, censés emboîter le pas aux futures prescriptions de la RE2020.

 

Résidence Le Onze
La résidence Le Onze à Chartres. © Procivis Eure-et-Loire

 

Mixant les énergies comme les matériaux (béton, brique, bois), l'immeuble en cours d'édification a déjà eu une première vie, dans un bâtiment voué à la démolition. Sa réincarnation débute dans la commune de Poisvilliers. Sur le site de Granudem, l'entreprise de démolition Poullard déverse, concasse et passe au crible 40.000 tonnes de béton chaque année.

 

"De l'ouvrage d'art au cabanon de particulier"

 

Au bout du tunnel, les blocs de béton collectés, "de l'ouvrage d'art au cabanon de particulier", se transforment en granulat de béton recyclé (GBR). En fonction de la qualité, les gravillons et sables "serviront aux matériaux routiers ou à la construction", précise Stéphane Poullard, fils du fondateur de l'entreprise éponyme, qui a développé ce processus entre 2010 et 2016.

 

Economie circulaire à Chartres
La plateforme Granudem à Poisvilliers, spécialisée dans la transformation de bétons issus de démolitions, en granulats de béton recyclé. © Lina Trabelsi pour Batiactu

 

Cette plateforme de 12.000 m² - que Stéphane Poullard rêverait de faire passer à 3 hectares - est quasi auto-suffisante. "L'eau qui permet de rincer les gravillons est en circuit fermé, et le site en pente permet de récupérer les eaux de pluie. La seule eau perdue est celle qui est utilisée pour l'humidification des gravillons", détaille-t-il méthodiquement.

 

Avec une équation d'1m3 de déchet pour 1m3 de béton recyclé, rien n'est perdu. En matière de consommation, les phases de concassage, criblage, lavage ou clarification et traitement absorbent 4 à 5m3 d'eau par heure.

 

Economie circulaire à Chartres
En fonction des besoins, le béton est soumis à deux traitements permettant d'en extraire des gravillons et du sable. © Lina Trabelsi pour Batiactu

 

Ayant décidé d'orienter sa plate-forme de recyclage autour de l'économie circulaire et de la responsabilité environnementale, la société Poullard ne s'autorise que des déplacements sur un rayon de 20 kilomètres pour s'approvisionner en bétons déconstruits.

 

Augmenter le seuil de bétons recyclés dans la construction

 

Au sortir du site de recyclage, des camions remplis de granulats pour béton prêt à l'emploi ou préfabriqué. Ce mercredi, ils prennent le chemin de Mignières, à 20 kilomètres, où est basée l'entreprise Spurgin Leonhart, spécialisée dans la production de prémurs.

 

Conformément aux réglementations sur la qualité structurelle du béton, la société n'intègre que 20% de GBR dans ses murs préfabriqués, un assemblage de deux plaques de béton reliées par des pieux en acier, pré-coffrés et pré-ferraillés. Mais la société, qui dispose de quatre unités de production en France, aimerait augmenter ce seuil de béton recyclé: "la planète brûle mais la réglementation est rigide et ne nous permet pas de mettre en place des innovations au rythme que l'on voudrait", regrette Pierre Bollard, directeur général de Spurgin Leonhart.

 

Economie circulaire à Chartres
Pierre Bollard, directeur général de Spurgin Leonhart, montre un prémur produit par l'usine. © Lina Trabelsi pour Batiactu

 

Hasard du calendrier, ce jour-là, était déposé en table du Conseil des ministres le projet de loi sur l'économie circulaire. Pilote du projet démonstrateur, Christian Herreria espère que ce texte sera une occasion de revoir les seuils d'intégration de béton recyclé à la hausse, "mais cela ne suffit pas, puisque cela ne reste pas une obligation, il faut ouvrir les champs des possibles, inciter de grands prescripteurs de travaux à encourager et valoriser les opérations qui permettent de mettre en route l'économie circulaire", plaide-t-il.

 

 

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