ENTRETIEN. Emmanuel Macron est attendu, le 6 octobre, au 24 heures du Bâtiment, un évènement organisé par la Fédération française du bâtiment (FFB). L'occasion, pour Jacques Chanut, son président, de faire passer quelques messages aux pouvoirs publics après l'annonce du plan Logement.

Quatre mille personnes sont attendues aux 24 heures du Bâtiment, qui se tiennent à Paris, le 6 octobre. Et pas des moindres, puisque le président de la République Emmanuel Macron, ainsi que Jacques Mézard, ministre de la Cohésion des territoires, et Julien Denormandie, son secrétaire d'Etat, seront présents. Un signe fort des pouvoirs publics qui cherchent peut-être à rassurer les professionnels. Ces dernières semaines ont en effet été riches en tensions et incompréhensions, que ce soit du côté des HLM (réforme des APL) que des professionnels de la construction (réforme des dispositifs Pinel et PTZ, exclusion des fenêtres, portes et volets du Crédit d'impôt pour la transition énergétique).

 

Jacques Chanut, président de la FFB, espère quoi qu'il en soit que ce rendez-vous annuel constituera une occasion d'échanges entre les pouvoirs publics et les entrepreneurs du bâtiment, dans le but d'aller de l'avant. "Nous sommes des bâtisseurs passionnés, qui voulons être force de proposition", assure-t-il à Batiactu.

 

Batiactu : Le programme des 24 heures du Bâtiment 2017 est particulièrement 'alléchant' cette année : le Président de la République sera présent, ainsi que Jacques Mézard et Julien Denormandie, du ministère de la Cohésion des territoires. Quels seront les principaux thèmes abordés ?
Jacques Chanut : L'exécutif a décidé de venir en nombre, ce qui est un signe de reconnaissance pour le secteur du Bâtiment. Jacques Mézard et Julien Denormandie participeront à des échanges autour du Plan Logement et du rôle de notre secteur en ce début de XXIème siècle. Le Bâtiment, en effet, veut et va évoluer. Nous devons aussi nous interroger nous-mêmes, en tant qu'organisation professionnelle, pour continuer d'assurer notre mission au service de nos adhérents au milieu de toutes ces évolutions.

 

Batiactu : Emmanuel Macron viendra visiter des stands, à la rencontre d'entrepreneurs du bâtiment. Prendra-t-il la parole ?
Jacques Chanut : Le président aura des échanges directs et informels avec les entreprises présentes. La FFB leur offre ce moment privilégié d'échanges. Il a la volonté de comprendre les dirigeants, les artisans, leurs problématiques, et disposera d'une heure et demie pour cela. Il n'est pas prévu qu'il fasse de discours. L'idée est d'être dans une ambiance d'échanges directs, dans la bonne humeur et avec une tournure d'esprit constructive. Nous souhaitons que le sentiment de reprise économique perdure, et nous n'hésiterons pas à rappeler les points d'inquiétude. Mais aussi les bonnes choses.

 

Batiactu : Sur quels points souhaitez-vous alerter les pouvoirs publics ?
Jacques Chanut : Il y a quelques incohérences dans les annonces récemment faites, comme le retrait du PTZ pour le neuf en zone C. Ce sont des zones où beaucoup de jeunes foyers souhaitent construire. Nous sommes tout à fait conscients du fait que les pouvoirs publics veulent trouver la bonne équation budgétaire. Malgré tout, nous pensons qu'il faut corriger le tir.

 

"Le remplacement des fenêtres, un point d'entrée dans la rénovation énergétique", Jacques Chanut

 

Batiactu : De même que pour l'exclusion des fenêtres, portes et volets du Crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) ?
Jacques Chanut : Nous regrettons bien sûr cette mesure rétroactive et brutale. Pourquoi ? Parce que le changement de fenêtres est bien souvent un point d'entrée dans la rénovation énergétique. Je le répète, nous acceptons la rigueur budgétaire. Mais la mesure actuellement envisagée aurait des conséquences fortement néfastes sur les travaux de rénovation en général.

 

Batiactu : Le Gouvernement a clairement laissé entendre qu'il souhaitait diminuer, et à terme supprimer, les aides au secteur du logement. Cela vous inquiète-t-il ?
Jacques Chanut : Nous sommes favorables à la baisse des aides. A la condition, toutefois, que les mesures destinées à créer un choc d'offre [simplification normative, inversion de la fiscalité dans le foncier, lutte contre les recours abusifs... NDLR] aient commencé à produire leurs effets. Or, aujourd'hui c'est l'inverse qui semble se passer : les pouvoirs publics retirent les aides alors même que le choc d'offre n'a pas eu lieu. Corréler les deux intentions, c'est une bonne chose, mais il faut le faire de le bon sens, et non pas à l'envers.

 

Batiactu : Le PLF 2018 va entrer dans sa phase de discussion, cela sera le bon moment pour appuyer vos demandes...
Jacques Chanut : Nous suivrons les débats avec attention, et jouerons également notre rôle d'organisation professionnelle pour y peser. Il faut que le Gouvernement comprenne qu'un projet immobilier, aujourd'hui, repose sur trois piliers : les primo-accédants (qui profitent du PTZ), les investisseurs (qui profitent du Pinel) et les bailleurs sociaux (qui touchent les loyers). Si vous brisez l'un de ces trois piliers, c'est l'ensemble d'un projet en neuf qui ne sort pas de terre. La prolongation du PTZ et du Pinel, pour quatre ans en zones tendues, est une bonne chose. Mais nous voulons que des analyses plus poussées soient faites sur la zone B2, pour savoir précisément si ces dispositifs fiscaux, le PTZ et le Pinel, ont des effets néfastes ou non.

 

"Ne tuons pas un système qui fonctionne !", Jacques Chanut

 

Batiactu : Le Gouvernement répond à cela que ces dispositifs pèsent lourd dans le budget de l'Etat...
Jacques Chanut : Ces dispositifs coûtent, en effet, mais ils fonctionnent, ils créent des emplois. Ne tuons pas un système qui fonctionne ! Nous attendons également davantage de détails sur le plan de rénovation des passoires thermiques. Neuf milliards d'euros y seront consacré, c'est une très bonne nouvelle. Mais comment cet argent sera-t-il fléché ?

 

Batiactu : D'après votre dernière note de conjoncture, il semble que le niveau de prix dans le secteur du Bâtiment rejoigne sa moyenne de long terme. Est-ce le signe que la crise économique est définitivement derrière nous ?
Jacques Chanut : Pas nécessairement, car nous subissons en ce moment une augmentation très forte du coût des matériaux. Nos entreprises connaissent donc, à nouveau, une dégradation de leur trésorerie. Comme vous le savez, nous produisons nos devis plusieurs mois avant le chantier, et nous subissons parfois des hausses au dernier moment. C'est le cas actuellement. Cette période est assez terrible pour nous. Les derniers chiffres de BTP Banque confirment d'ailleurs que les trésoreries souffrent.

 

Batiactu : La FFB présentera, durant les "24 heures", les résultats d'un sondage réalisé auprès de l'institut Ipsos (1) sur l'image du secteur du Bâtiment auprès des Français. Comment analysez-vous les chiffres ?
Jacques Chanut : Je dois dire que les résultats représentent presque une bonne surprise pour nous. Il en ressort en effet que 81% des Français ont une bonne image du Bâtiment, 75% pensent qu'il favorise l'intégration des publics en difficulté, et 82% pensent que les pouvoirs publics doivent favoriser notre secteur pour maintenir la cohésion territoriale. De quoi donner encore plus d'espoir pour l'avenir !

 


(1) Sondage réalisé par téléphone du 8 au 9 septembre 2017, auprès d'un échantillon de 961 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus.

 

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