DECRYPTAGE. Lors d'un appel d'offres avec remise de prestations architecturales, un acheteur public doit prévoir des indemnités pour les équipes non retenues, juge le Conseil d'Etat. Une décision inédite que nous explique Benoît Gunslay, juriste pour le Conseil National de l'Ordre des Architectes.

C'est une première. Le Conseil d'Etat a jugé que l'acheteur public qui sollicite la remise de prestations architecturales doit impérativement prévoir le versement d'une indemnité aux soumissionnaires non retenus. L'institution du Palais Royal a par ailleurs reconnu l'intérêt à agir d'un Conseil régional de l'ordre pour contester cette irrégularité et solliciter l'annulation du marché, explique le site du Conseil National de l'Ordre des Architectes (CNOA) qui revient sur cette décision inédite.

 

A l'origine de cette affaire, une communauté de communes avait lancé un MAPA (marché à procédure adaptée) de maîtrise d'œuvre pour la construction d'une école de musique. Le règlement de cet appel d'offres imposait la remise d'une note d'intention architecturale. "En plus de la note d'intention d'architecturale, l'acheteur public suggérait aux candidats la production de schémas ou d'illustrations", nous explique Benoît Gunslay, juriste pour le CNOA. Et même si cela est "moins important qu'une esquisse, il s'agit tout de même d'une prestation", précise-t-il. Or, le règlement ne prévoyait aucune prime correspondant à la remise de ces prestations. Mais le juriste fait remarquer : "Face à la suggestion de produire des éléments graphiques à l'appui de la note d'intention, les candidats sont quasiment contraints de le faire s'ils souhaitent rester en course et être évalués positivement. Ceci sans pouvoir bénéficier d'une prime, en contradiction avec le Code des marchés publics applicables lors de cette procédure ".

 

Une décision encourageante pour l'avenir

 

Le Conseil d'Etat, à travers cette décision du 17 mai 2017, considère que dès lors qu'il y a prestation, il doit y avoir des indemnités. Cette décision est "une première en procédure adaptée", insiste Benoît Gunslay qui rappelle que l'Ordre se "bat contre les MAPA dans lesquelles il y a des prestations qui ne sont pas rémunérées". "Toute prestation architecturale demande du temps aux agences d'architectes et notamment aux plus petites, pour qui cela représente un investissement financier", souligne le juriste indiquant que "l'absence d'indemnité injecte de l'inégalité entre les différentes structures d'entreprises".

 

Cette décision du Conseil d'Etat est donc favorable pour la profession d'architecte. Elle permettra de veiller à une juste indemnisation des prestations et est donc synonyme d'égalité de traitement entre les agences. "Cette décision du Conseil d'Etat est une victoire symbolique encourageante pour l'avenir", estime Benoit Gunslay qui fait valoir que le CNOA reste attentif à ce qu'il y ait rémunération dès lors qu'il y a prestation.

 

Le versement d'une prime "s'impose quel que soit le format de la procédure ou du mode de sélection, ainsi que le niveau des prestations à remettre", rappelle le CNOA

 

Pour le juriste, cette décision va permettre à l'Ordre de sensibiliser les différents acteurs. Les architectes, pour qu'ils soient vigilants et qu'ils sachent ce à quoi ils ont droit. Et les acheteurs publics également. "Il est important qu'ils soient conscients qu'ils s'exposent à des recours de la part d'architectes ou de la maîtrise d'œuvre qui ne pourraient pas participer à ces appels d'offres à cause de cette absence de prime", note-t-il, ajoutant que "la maîtrise d'ouvrage doit savoir qu'elle risque de voir ses procédures annulées dans ces cas, ce qui peut pénaliser ses projets".

 

En résumé, le CNOA rappelle que "le versement d'une prime, dont le montant doit être suffisant au regard des prestations demandées, a pour objectif de garantir l'égal accès à la commande publique pour l'ensemble de la profession" et qu'il "vise aussi à s'assurer de la qualité des offres reçues pour l'acheteur public". L'Ordre des architectes insiste enfin sur le fait que "cette obligation s'impose quel que soit le format de la procédure ou du mode de sélection, ainsi que le niveau des prestations à remettre".

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