Samir Farah, architecte de l'agence AART et auteur de plusieurs dizaines d'hôpitaux en France et à l'étranger, répond à nos questions sur l'ouverture de la construction hospitalière aux partenaires privés, ses conséquences sur l'architecture, et enfin sa vision de l'hôpital au XXIème siècle.

Dans le Plan "Hôpital 2007", le volet sur l'immobilier prévoit des modifications législatives afin de permettre à une personne privée de construire un hôpital. Selon vous, ce type de partenariat public/privé comporte-t-il plus d'avantages ou d'inconvénients ?

Si chacun des acteurs de la construction a un rôle bien défini, tout devrait bien marcher. Je veux dire que si les cahiers des charges du concepteur, du constructeur, des financiers sont clairs, bien pensés, avec la notification des responsabilités de chacun alors c'est bon. En revanche si les pressions financières se font trop fortes ou s'il existe une mauvaise coordination entre économie et pratique architecturale, alors c'est la catastrophe et le projet risque d'être déshabillé petit à petit. Quel que soit le mode de passation du marché, le travail en amont est capital.
La maîtrise d'ouvrage et la maîtrise d'oeuvre doivent gérer avec une grande rigueur les étapes de conception et de réalisation de l'édifice, y compris dans la gestion des délais. Ils doivent également dès le départ penser à son exploitation, à sa maintenance, voire aux possibilités d'extensions. Pour ma part, je fais toujours directement appel aux industriels, en associant les bureaux d'études techniques pour être toujours à la pointe des avancées technologiques. Je peux contacter des équipes extérieures déjà opérationnelles, en plus des ingénieurs biomédicaux intégrés à mon agence.

Pensez-vous que si les cahiers des charges avaient été bien respectés, les problèmes liés à la légionellose et à la canicule n'auraient pas eu de telles conséquences ?

Je pense à cet égard qu'il faut être extrêmement rigoureux et les respecter, oui. La technique fait partie intégrante de l'architecture et tout architecte doit maîtriser l'ingénierie. Au CHU de Nantes, j?ai optimisé le processus technique et la distribution des fluides et de la climatisation en créant une façade-silo en lien direct avec chaque niveau.
Pour contrôler les fortes chaleurs, je peux appliquer mon expérience au Moyen-Orient où tout est climatisé à 100 %, mais aussi mettre en place une ventilation naturelle complétée par des brise-soleil comme à La Réunion ou prochainement à Tahiti.

Le regroupement des moyens hospitaliers et financiers ainsi que la réduction du personnel ont un impact sur l'architecture. Pourriez-vous nous dire justement quelle est votre vision de l'architecture hospitalière d'aujourd'hui, et de demain ?

Depuis une dizaine d'année, on assiste à une augmentation des traitements de jour - dits ambulatoires - et des séjours conventionnels de plus en plus courte durée. Tout s'accélère, l'architecture se rationalise, les plateaux médico-techniques lourds sont concentrés, regroupés. L'hospitalisation se voit désormais sectorisée en pôle d'activité autour d'un plateau médico-technique léger pour de meilleurs hébergements et soins du malade. En résumé, vous avez d'un côté l'optimisation des moyens par pôle d'activité (mère-enfant, médecine, chirurgie...) et la rigueur des plateaux médico-techniques centralisés ; de l'autre, un changement d'échelle dans la prise en charge des malades avec une personnalisation accrue des soins. Le malade se trouve au centre du concept médical, entouré par le personnel spécialisé.

L'hôpital du XXIème siècle tend donc vers une plus grande humanisation ?

La réalisation d'un hôpital ce n'est pas seulement la traduction d'un programme, mais la concrétisation d'un concept médical qui effectivement s'humanise de plus en plus. Dès la conception d'un hôpital il faut imaginer son fonctionnement comme une organisation articulée où la structure et les personnes évoluent dans le temps et dans l'espace.
L'hôpital est un équipement public qui doit être ouvert à tous et dynamique. Dans mon travail, cette relation dynamique entre l'hôpital et la ville est symbolisée par un espace public : un atrium, une rue... Vitré sur toute sa hauteur, l'accueil est d'abord fonctionnel puisqu'il orchestre tous les niveaux, tous les parcours mais il s'ouvre sur la ville et offre une dimension sociale et culturelle. L'hôpital est un monument signifiant et signalétique à l'échelle urbaine mais aussi à l'échelle humaine, c'est l'élément fort et structurant d'un quartier, d'une ville. A Nevers comme dans d'autres de mes récents projets, l'hôpital fusionne avec le relief et crée une continuité harmonieuse entre la forme naturelle et la forme construite.

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