URBANISME. Il fait toujours plus chaud en ville qu'à la campagne, notamment la nuit. Mais l'intensité de ce phénomène est variable selon l'agglomération considérée. Des chercheurs du CNRS ont étudié l'organisation spatiale des villes et confirmé l'impact de leur géométrie sur la chaleur. Grandes avenues rectilignes ou petites ruelles sinueuses, qui sont les plus efficaces pour la dissiper ? Eléments de réponse.

Les îlots de chaleur urbains résultent d'une augmentation locale de la température de l'air dans les zones à habitat dense, par rapport aux zones péri-urbaines et rurales. Un phénomène qui touche une part importante de la population mondiale et qui génère toute une cascade de conséquences fâcheuses : élévation de la demande énergétique pour climatiser les édifices, pollution accrue, détérioration du confort, voire problèmes de santé. Aux Etats-Unis, les îlots de chaleur concerneraient plus de 80 % de la population urbaine ! Selon une étude publiée dans Nature Climate Change, l'élévation de température dans les centres urbains pourrait atteindre les +8 °C d'ici à la fin du siècle. D'où le développement de stratégies de lutte contre ces îlots par certaines villes.

 

Une simple question de géométrie et de physique

 

Des chercheurs d'une unité mixte internationale (CNRS/Massachusetts Institute of Technology) se sont penchés sur les paramètres majeurs influant sur l'élévation de température : inertie thermique des bâtiments et capacité de rayonnement la nuit de l'énergie absorbée pendant le jour sont les deux principaux. Afin de les évaluer, ils ont scruté les températures enregistrées en ville et dans la campagne environnante sur plusieurs années de relevés, et les ont mises en relation avec "les empreintes spatiales des constructions urbaines, combinées à un modèle de dissipation de la chaleur", précise le CNRS. Sur la cinquantaine d'agglomérations étudiées, il apparaît que les effets nocturnes des îlots de chaleur variaient selon la géométrie du tissu urbain : "Les bâtiments peuvent en effet s'échanger de l'énergie, plus ou moins facilement selon leur degré d'organisation spatiale". Les scientifiques se sont donc intéressé à ce facteur grâce à des outils de physique permettant de réduire la complexité de la ville à une description statistique, "c'est-à-dire à des lots de bâtiments pertinents", note-t-il.

 

 

Mieux gérer la chaleur, la fraîcheur, l'évaporation…

 

Et il ressort que, contrairement à une intuition qui voudrait que de grandes artères rectilignes facilitent l'écoulement de l'air entre les constructions, plus une ville est organisée à l'image des villes modernes nord-américaines (comme Boston, New York, Chicago), plus les effets des îlots de chaleur sont importants. La chaleur y resterait piégée à l'inverse des villes aux plans plus désorganisés. Un phénomène ressenti dans les cœurs historiques des villes européennes, où les ruelles étroites, ombragées et sinueuses favorisent finalement un phénomène de climatisation naturelle. Des résultats probants, publiés dans la revue Physical Review Letters au début du mois de mars 2018, qui ouvrent quelques perspectives en matière d'urbanisme et d'optimisation de la gestion énergétique. Dans les pays aux climats chauds ou tempérés, il sera potentiellement possible de réduire les dépenses de climatisation, tandis que dans les régions aux climats plus froids, certains pourront tirer avantage de la création de tels îlots. In fine, le but sera d'améliorer le confort des citadins tout en réduisant l'empreinte carbone des villes. A Paris par exemple, la ville a adopté une stratégie de résilience urbaine qui intègre la lutte contre les îlots de chaleur. Elle prévoit notamment de "transformer les cours d'écoles en oasis, véritables îlots de fraîcheur", des espaces qui représentent 800.000 m² actuellement recouverts de bitume sombre et imperméable.

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