VU A BATIMAT. Pour Alain Maugard, co-président du groupe de réflexion RBR 2020-2050 du Plan bâtiment durable, la future réglementation environnementale pourra difficilement être un succès si le monde du bâtiment n'accepte pas de lever trois tabous au moins.

"C'est au bâtiment de s'adapter à ses occupants, et non pas l'inverse." C'est sur la base de cette maxime qu'Alain Maugard, co-président du groupe de réflexion RBR 2020-2050 du Plan bâtiment durable, a disserté sur la définition des futures réglementations environnementales, lors du salon Batimat, le 7 novembre à Villepinte (Seine-Saint-Denis). Pour celui qui est également président de Qualibat, ce travail doit notamment passer par une critique de certains aspects de la réglementation thermique 2012 (RT2012), qui n'a pas laissé assez de places à l'idée de confort des occupants.

 

"Le Grenelle de l'environnement a débouché sur une politique de l'offre, avec la RT2012. On a demandé aux gens d'avoir un mode de vie ascétique, d'être des bons petits soldats de la lutte contre l'effet de serre. Mais cela n'est pas très excitant", a-t-il affirmé. "Ce qui intéresse les gens, c'est le confort, le plaisir de vivre, l'envie de vivre dans un logement. Plutôt que de regarder l'offre, soyons plutôt attentifs à ce que les gens attendent : le succès de la prochaine génération de bâtiments sera à la mesure du désir des gens de les occuper et de bien les employer." Pour cette personnalité très écoutée dans le secteur, les progrès ne se feront pas sans lever au moins trois tabous.

 

1er tabou : les 19 degrès

 

En analysant les consommations des habitants de bâtiments RT2012 (réglementation conçue avec l'objectif d'une température intérieure de 19 degrès), deux surprises ont sauté aux yeux des analystes. Tout d'abord, les cas de surconsommations étaient fréquents. "C'est l'effet rebond : quand vous avez un bâtiment plus performant, vous en profitez pour ouvrir les fenêtres plus souvent, ou chauffer davantage. C'est un plus de confort", résume Alain Maugard.

 

Mais des mésusages des bâtiments sont aussi apparus, comme l'installation de radiateurs électriques d'appoint. "Quand vous êtes à 19 degrés, qu'il fait très froid dehors, et que vous êtes près d'une paroi froide, vous n'êtes pas bien", assure Alain Maugard. "Il faut ouvrir les yeux : la RT 2012 a été trop 'limite' sur la question du confort. Nous avons été trop juste dans les calculs du confort que désirent réellement les habitants." Un bâtiment, conçu pour 19, et dont les habitants veulent 21, perd fortement en efficacité énergétique. "La température de confort, pour l'écrasante majorité des gens, elle est plutôt entre 20 et 22 degrès, c'est ainsi, il nous faut l'accepter et en tenir compte."

 

2ème tabou : la climatisation

 

"Dans les périodes de grand chaud qui sont de plus en plus fréquentes, c'est très bien d'avoir de l'inertie thermique dans le bâtiment. Mais c'est très bien pendant quelques jours seulement. Car si la forte chaleur dure pendant une semaine, l'inertie joue dans le sens inverse, l'ilôt de chaleur s'installe, et cela créé un inconfort pour l'usager", explique Alain Maugard. Qui pointe le paradoxe suivant : "Aujourd'hui, la climatisation est partout : dans les transports, les bureaux, les automobiles, les cinémas... sauf chez les gens !" Pour le président de Qualibat, il faudrait ainsi envisager de climatiser les logements, en n'utilisant que des énergies renouvelables. "Je remarque que c'est pendant qu'il y a de la chaleur qu'il y a du soleil, et que les dispositifs photovoltaïques fonctionnent à plein." Mais cette solution est, aujourd'hui, encore trop onéreuse pour Alain Maugard.

 

3ème tabou : ventilation et qualité de l'air intérieur

 

Pour Alain Maugard, la ventilation est le "parent pauvre de la RT 2012". Les textes régissant ce domaine datent du début des années 80. "Or, les bâtiments d'aujourd'hui sont plus étanches à l'air qu'à l'époque, il est donc urgent de revoir cette réglementation", assure-t-il. "C'est un domaine dans lequel un mauvais choix technique peut tourner à l'inconfort."


La question des scénarios d'usage

 

Au-delà de ces trois tabous à lever, Alain Maugard prône, comme d'autres, de passer à des scénarios d'usage plutôt que de se baser sur un seul scénario type, comme c'est le cas actuellement. Une idée qui se base sur le fait qu'un couple de retraités n'utilise pas son logement de la même manière que de jeunes actifs. "Dans l'immobilier de bureaux, cette idée est banale, ils le font déjà, pour répondre aux attentes des différents types de professionnels qui travaillent à des horaires différents. Bien sûr, c'est une solution compliquée à mettre en oeuvre, et se pose la question de savoir s'il faut inscrire ces scénarios types dans la réglementation. Mais cela sera toujours mieux qu'une vision monolithique", a assuré Alain Maugard.

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