Selon Mediapart, le nom du directeur de la sûreté du groupe Lafarge, Jean-Claude Veillard, apparaîtrait dans des échanges concernant le paiement de droits de passage à des groupes armés en Syrie, dans la région de la cimenterie de Jalabiya. Or cette personne était également présente sur la liste soutenue par le FN de Wallerand de Saint-Just aux élections municipales de Paris, en 2014.

L'affaire Lafarge en Syrie prend une tournure surprenante : d'après l'enquête journalistique menée par Mediapart, le directeur de la sûreté du cimentier Lafarge aurait avalisé les négociations entre des représentants du groupe en Syrie et des factions armées en 2014. Dans le même temps, Jean-Claude Veillard était candidat lors des élections municipales à Paris, en 5e position sur la liste de Wallerand de Saint-Just, l'actuel trésorier du Front National. Selon les informations publiées par Mediapart, il s'agissait d'un "militant d'extrême droite engagé".

 

 

"J'arrive à Manbij. L'Etat islamique veut une liste de nos employés avec leurs cartes d'identité pour délivrer à chacun une autorisation de franchir leurs checkpoints". Contenu d'un courriel attribué à Jean-Claude Veillard

 

Malgré son engagement politique, le directeur de la sûreté aurait eu une "parfaite connaissance des tractations qui ont eu cours, en 2013 et 2014, entre la multinationale et l'Etat islamique", affirme le site d'information indépendant. Interrogé sur cette situation, l'intéressé a seulement répondu que sa présence sur la liste soutenue par le FN était "une affaire personnelle et privée" qui n'aurait pas eu le même retentissement s'il "avait été l'adjoint de Mélenchon ou d'un socialiste". Et la tête de liste, Wallerand de Saint-Just, invité de l'émission web .POL a réagi : "Rien de ce que publie Mediapart n'est absolument probant (…) Rien de ce que fait monsieur Veillard ne peut être, à mon sens, critiquable". Estimant que la seule responsabilité professionnelle de l'intéressé était engagée, il conclut : "Ses activités professionnelles n'ont rien à voir avec son militantisme politique".

 

Une situation qui pèse sur LafargeHolcim

 

Rappelons que Bercy a saisi la justice à l'automne 2016, afin que le parquet ouvre une enquête préliminaire sur le maintien de l'activité de la cimenterie syrienne de Jalabiya par Lafarge, alors que les axes routiers étaient bloqués par des groupes islamistes. En mars 2017, au terme d'une enquête interne, le groupe français (devenu LafargeHolcim en 2015) admettait que sa filiale syrienne avait "remis des fonds à des tierces parties afin de trouver des arrangements avec un certain nombre de groupes armés" qui tentaient de contrôler "les zones autour de l'usine". Des versements qui avaient eu pour but "de maintenir l'activité et d'assurer le passage sûr des employés et des approvisionnements vers et depuis l'usine". Le groupe a reconnu des mesures "inacceptables" et des "erreurs de jugement significatives" de la part des responsables des opérations. Des révélations qui ont entraîné une réaction de colère de Michel Sapin, ministre de l'Economie et des Finances, qui déclarait, le 25 avril : "Tout financement de cette nature doit être poursuivi et ses responsables, quels qu'ils soient, condamnés".

 

 

 

Les soupçons qui pèsent désormais sur la direction du groupe, qui aurait pu être au courant de ces versements, ont incité Eric Olsen à démissionner de son poste de directeur général. Il quittera effectivement son poste à la mi-juillet, une fois qu'un successeur aura été désigné. Le responsable expliquait : "Bien que je n'aie été en aucune manière impliqué, ni même informé, d'actes répréhensibles, je pense que mon départ contribuera à ramener de la sérénité à une société qui a été exposée depuis des mois sur ce sujet". De leur côté, des syndicalistes de la CFDT s'inquiètent de conséquences sur l'emploi qu'aura cette polémique qui a terni l'image de LafargeHolcim. Quant à l'ONG Sherpa, qui a porté plainte contre le groupe pour financement du terrorisme, elle persiste à croire en la responsabilité de toute la hiérarchie : "C'est bien la société mère qui était à l'origine des décisions prises et des actions commises par la filiale syrienne en violation des droits humains". Les enquêtes devront donc déterminer le degré d'implication de Jean-Claude Veillard.

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