A l’occasion du salon Interclima, Muriel Barbat, ingénieur au COSTIC fait le point sur le problème de la qualité de l'air intérieur et ses solutions.

Grâce à la médiatisation de la pollution atmosphérique croissante, le problème de la qualité de l'air intérieur est d'autant mieux perçu par la population qu'il y a chaque année émergence de pics de concentration de molécules polluantes (ozone, dioxyde d'azote). C'est ainsi que 1994 a vu la création d'un indicateur ATMO qui permet de suivre l'évolution de la pollution atmosphérique (SO2, NO2, poussière, O3). Contrairement à la pollution atmosphérique, la pollution de l'air intérieur est moins médiatisée. Cependant, la multiplication de plaintes pour cause d'allergies, de fatigue, d'irritations diverses, a permis une prise de conscience progressive des problèmes en environnement intérieur.

La qualité de l'air intérieur est donc actuellement une préoccupation majeure et croissante de santé publique où l'ensemble de la population est concerné. Cette prise de conscience s'est traduite entre autres, par la mise en place d'un Observatoire de la Qualité de l'Air Intérieur dont l'objectif est d'identifier au mieux les polluants présents en environnement intérieur (nature, concentration, évolution) et d'analyser l'exposition des personnes à ces polluants.

Une pollution aux origines diverses

La pollution intérieure résulte de trois sources différentes : la pollution extérieure, la pollution liée au bâtiment et à ses équipements techniques et la pollution liée aux occupants et à leurs activités. Quel que soit le bâtiment, celui-ci est en effet plus ou moins « contaminé » par la pollution extérieure. Néanmoins, en règle générale, le niveau de pollution intérieure est supérieur au niveau de pollution extérieure. Les équipements, équipements techniques (ventilation) ou encore les produits d'entretien des locaux sont à l'origine de polluants divers : ozone, poussière, bactéries, composés organiques volatils, champs électromagnétiques, fibres minérales artificielles.
A côté de cette pollution, existe celle, inéluctable, venant des occupants eux-mêmes : dioxyde de carbone, microbes, odeurs. A cela s'ajoute également une autre source de pollution non négligeable, telle que la fumée de tabac qui entraîne l'émission dans l'atmosphère de polluants nocifs tels que du CO, des particules de matière, de la nicotine, des COV.

La « limitation » de l'exposition humaine à la pollution intérieure peut être obtenue par différentes options :
- contrôler / éliminer les sources de pollution (solution la plus efficace mais pas toujours faisable en raison de la nature de la pollution !),
- diluer la pollution par la ventilation,
- utiliser des purificateurs d'air (à notre connaissance, peu d'études ont été réalisées pour évaluer objectivement et concrètement la performance de ces appareils au niveau de l'efficacité vis-à-vis des différents polluants, de la consommation électrique ou encore de la performance acoustique...).
Par conséquent, la dilution de la ventilation est à l'heure actuelle la solution la plus efficace.

L'asservissement d'un paramètre pour une meilleure performance énergétique

La ventilation permet d'assurer le renouvellement d'air d'un espace intérieur par apport de l'air extérieur. La ventilation est et doit de plus en plus être traitée simultanément sous trois aspects : le confort, la qualité de l'air intérieur et la maîtrise énergétique. Face à ces préoccupations croissantes de confort et d'économie d'énergie, les systèmes de ventilation mécaniques asservis à un paramètre (par exemple, l'humidité, la concentration en CO2, la détection de présence...) sont de plus en plus utilisés au détriment des systèmes de ventilation mécanique auto-réglable. La modulation des débits est une technique permettant d'obtenir des gains énergétiques liés à la réduction des déperditions dues à la ventilation et à la diminution des consommations électriques des ventilateurs.

Systèmes double flux et appareils multifonctions

Toutefois, ces systèmes précédents ne permettent généralement pas de filtrer l'air entrant. D'où, l'émergence (au moins dans certains pays européens) de la ventilation double flux qui offre l'avantage de pouvoir filtrer l'air entrant et récupérer la chaleur sur l'air extrait. De plus, le système double flux permet une bonne performance acoustique vis-à-vis de l'extérieur, en raison notamment de l'absence d'entrées d'air au niveau des menuiseries. Dans ces systèmes double flux, l'échangeur de chaleur est une pièce maîtresse dans la chasse au gaspillage d'énergie. Les constructeurs travaillent sur l'amélioration de son efficacité : à l'étranger (Suisse, Allemagne), une efficacité de 90 voire 99% a été annoncée par quelques constructeurs.

Toujours dans un objectif croissant d'amélioration du confort et de réduction des consommations énergétiques, il se développe (encore une fois en Allemagne et en Suisse notamment) des appareils «multi-fonctions» permettant d'assurer conjointement les fonctions «chauffage» et «ventilation».

En parallèle à ces systèmes purement mécaniques, se développent, au travers de projets européens (par exemple le projet HYBVENT - annexe 35 de l'IEA), des systèmes hybrides dont l'objectif est d'assurer une qualité d'air satisfaisante en ayant des consommations énergétiques raisonnables.

La ventilation et la RT 2000

La Réglementation Thermique 2000 définit par le décret N°2000-1153 et l’arrêté du 29 novembre 2000 s’applique à tous les bâtiments neufs chauffés à une température supérieure à 12°C et dont la demande de permis de construire est postérieure au 1er juin 2001.
Dans sa formulation, la RT 2000 définit :
- des valeurs ou dispositifs «garde-fous» qu’il convient de respecter obligatoirement ;
- des valeurs ou dispositifs de référence pris en compte dans le calcul des consommations de référence.

La RT 2000 définit comme système de référence dans le tertiaire, le système double flux sans récupérateur de chaleur. La détermination de valeurs (ou dispositifs «garde-fous») vise à interdire des solutions trop peu performantes.
Ainsi, dans sa forme actuelle, les principaux «garde-fous» liés au système de ventilation dans le tertiaire visent les points suivants :
- Une indépendance des systèmes de ventilation : un bâtiment tertiaire composé de locaux à occupation ou à pollution spécifique « nettement différentes » dans le temps et/ou dans l’espace nécessite un zonage du bâtiment avec un système de ventilation spécifique par zone.
- Une limitation des débits : un local doit être équipé d’un dispositif (horloge ou autres) permettant de réduire les débits de ventilation en période de non occupation ou de non pollution. Il est à noter que cette disposition n’est pas imposée en dehors de la période de chauffage car elle ferait perdre la possibilité de rafraîchir le bâtiment en utilisant les débits d’air maximums (par «free cooling»).
- Une temporisation des actions manuelles permettant de revenir automatiquement au débit minimal au bout d’un certain temps.
- Une humidification maximale de l’air insufflé dans le local de 5g/kg air sec.
- Une isolation des conduits pour les réseaux d’air chaud ou froid.
- Un suivi des consommations de ventilation pour toute surface chauffée supérieure à 400 m².
- Un dispositif spécifique de ventilation pour tout local climatisé tel qu’un système mécanique simple flux, double flux....
- Un seul dispositif de régulation du système à débit d’air variable en fonction de la température intérieure pour une surface totale inférieure ou égale à 100 m².
Des évolutions et modifications de certains articles de la RT 2000 sont annoncées pour fin 2003. Parmi ces modifications serait concerné entre autres, l’article consacré à la puissance de référence des ventilateurs.

Une mise en oeuvre délicate, une maintenance indispensable

La mise en oeuvre d'un système de ventilation peut très vite devenir une chose délicate. Il est ainsi régulièrement constaté une non conformité des débits de ventilation (débits trop importants ou trop faibles), qui peut être due à un mauvais dimensionnement de l'installation, à un problème d'étanchéité au niveau du réseau ou à un mauvais raccordement des conduits.

Ces problèmes de mise en oeuvre existent non seulement en France mais également à l'étranger. Pour y remédier, certains pays ont adopté des mesures. Ainsi, alors que la Suède privilégie le contrôle de l'installation par une tierce personne, la Hollande a opté pour une approche plus globale où chaque acteur est impliqué et sensibilisé au système global de ventilation. Au final, il s'agit de certifier une installation en définissant pour chacune des phases de construction, les descriptifs correspondant à des points «qualité».

Compte tenu de la situation actuelle, il est déjà important de sensibiliser l'ensemble des acteurs du bâtiment sur les points suivants :
- Qu'est-ce qu'une bonne ventilation ?
- Quels sont les enjeux / les intérêts à avoir une bonne ventilation ?

Ces deux questions essentielles doivent être abordées de la phase de programmation du chantier jusqu' à la phase d'exploitation et de maintenance.

Enfin, il est à noter que paradoxalement, un système de ventilation peut devenir, en raison d'une mauvaise, voire d'une absence de maintenance, le vecteur d'agents pathogènes. Une absence de maintenance d'un réseau aéraulique va entraîner un phénomène d'encrassement à la surface pouvant être la cause de problème de qualité d'air insufflé dans le local, mais également d'une diminution des performances aérauliques de l'installation. Pour assurer cette maintenance spécifique, il existe des professionnels qualifiés réunis autour du GHR (Groupement Hygiène des Réseaux aérauliques).

Une forte préoccupation d'avenir

La prise en compte de la qualité d'air (à travers par exemple les différentes possibilités de filtration de l'air neuf) pourrait devenir une préoccupation forte avec notamment l'apparition probable en 2004-2005 de la «NRH : Nouvelle Réglementation sur l'Hygiène intérieure». Cette prise en compte est en cours d'élaboration dans différents pays étrangers où il existe une réelle volonté de mettre en place une certification «hygiène et confort» du bâtiment.

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