TSUNAMIS. L'Ifremer et son homologue allemand, le Marum, lancent un projet de recherche sur la prédiction des "aléas gravitaires sous-marins", ces glissements de sédiments côtiers capables de déclencher des vagues meurtrières. Zoom.

Le 16 octobre 1979, un glissement de terrain sous-marin survenait dans la zone de l'aéroport de Nice-Côte d'Azur provoquant un raz-de-marée sur le littoral compris entre Nice et Antibes. Deux vagues de plus de 3 mètres avaient atteint le quartier La Salis et emporté plusieurs personnes (une dizaine selon les journaux de l'époque), provoquant également de gros dégâts matériels, y compris la rupture de câbles sous-marins. Pour l'Ifremer, "un événement de ce type est susceptible de se reproduire de nos jours". Raison pour laquelle ce risque devrait être mieux évalué.

 

 

L'institut français et son homologue allemand, Marum, soutenus financièrement par l'Agence nationale de la recherche et son équivalente allemande, lancent donc un projet de recherche nommé "Modal" (*) afin d'étudier une certaine catégorie d'aléas. L'Ifremer note : "Les sédiments s'accumulent sur la plateforme peu profonde qui borde la zone littorale. Ces amas produisent, dans certaines conditions, des avalanches sous-marines qui dévalent la pente continentale jusque dans les plaines abyssales". L'institut liste les facteurs de risques qui s'accumulent dans la région niçoise : une sismicité importante, de forts apports sédimentaires lors des crues du Var (fleuve côtier), des eaux souterraines qui se déchargent le long des aquifères côtiers et la présence de couches argileuses peu résistantes.

 

Déployer des inclinomètres sous-marins

 

Un premier projet de recherche, intitulé "Isis", avait été mené entre 2006 et 2008, démontrant le rôle prédominant des eaux souterraines, "avec un pic de remplissage des nappes phréatiques justement au moment du glissement". Cette étude avait également permis de définir une zone instable et de suspecter que la déformation du sol était toujours en cours. D'où de nouvelles interrogations, soulevées par Nabil Sultan, un des coordinateurs du projet pour Géosciences (université de Nice-Sophia Antipolis) : "Quelle est la vitesse de cette déformation ? Peut-on quantifier le lien entre le niveau d'eau souterraine et le taux de déplacement de la pente ? Et à partir de quel niveau s'attendre à un glissement sédimentaire ? Quelle est la probabilité qu'un événement comparable à celui de 1979 se produise dans un futur proche ?".

 

 

C'est l'adaptation d'un outil de mesure au milieu sous-marin qui apportera des éléments de réponse. Un inclinomètre sera déployé dans les sédiments, sur de grandes profondeurs : environ 50 mètres sont envisagés afin de traverser la couche fragile et d'enraciner le dispositif dans une couche plus stable. L'inclinaison progressive au cours du temps de ces longues tiges permettra d'évaluer la vitesse de déformation de la couche sédimentaire. Deux dispositifs différents seront conçus et installés. Comme le mentionne l'Ifremer, "leur mise en place sera originale et très différente de ce qui se fait à terre : chacun sera préalablement enroulé sur un tambour d'environ deux mètres de diamètre puis redressé avant d'être poussé à la verticale dans le sédiment". C'est l'engin spécialisé Penfeld qui sera mobilisé pour cette opération. Outre les mesures ponctuelles des inclinomètres relevées par l'observatoire sous-marin EMSO Nice, d'autres relevés bathymétriques seront effectués sur l'ensemble du secteur afin d'obtenir des informations spatiales. Trois piézomètres ainsi qu'un sismomètre large bande, qui suivent respectivement la pression dans les 30 premiers mètres de sédiment et les mouvements du sol provoqués par des séismes proches ou lointains, sont déjà installés sur zone depuis 2015.

 

(*) pour Monitoring seafloor deformation & assessing landslide hazards associated with fluid pressures.

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