Les habitants de la calanque de La Vesse, à l'ouest de Marseille, ne quitteraient pour rien au monde un "coin de paradis" qui s'affiche à prix d'or dans les annonces immobilières. Pourtant, de gros blocs de pierre menacent de se détacher de la falaise et d'écraser les cabanons en contrebas.

Une centaine de personnes habitent, dans un paysage de carte postale donnant sur la rade de Marseille, le petit vallon encaissé, cerné de terrains protégés et inconstructibles qui appartiennent au Conservatoire du littoral. "Le problème des blocs de calcaire instables est connu historiquement", explique Roger Estève, délégué régional adjoint au Conservatoire, qui a commandé une étude au Centre d'études techniques de l'équipement (CETE) sur le sujet.

Selon cette enquête, achevée en juillet 2003, des blocs allant jusqu'à 20 m3 menacent, à moyen, voire à court terme, certaines habitations. Le problème, qui "touche l'ensemble du Rove, est plus sensible à la Vesse, notamment la pointe sud où une ancienne carrière de pierre a fortement fracturé la roche", poursuit M. Estève.

D'abord construits de bric et de broc, les cabanons étaient apparus au début du XIXème siècle en même temps qu'un viaduc SNCF. Petit à petit, sans qu'aucun permis de construire ne soit déposé, le béton a remplacé le bois, les cabanons se sont embellis, et la municipalité a fini par les légaliser, installer l'électricité et le tout-à-l'égoût.

Le Conservatoire du littoral a déjà mené, pour quelque 100.000 euros, des opérations ponctuelles de consolidation (purge à l'explosif, grillages, talus...), à partir de 1998, lorsqu'un bloc de pierre s'était écrasé sur une salle de bain sans faire de blessé. Un programme global de travaux coûterait quelque 3 millions d'euros, estime désormais le CETE.

Le maire PCF du Rove, Georges Rosso, qui estime que c'est au "Conservatoire de prendre ses responsabilités", juge qu'un programme pluriannuel d'opérations ponctuelles de "quelques dizaines de milliers d'euros" suffirait à "sécuriser les zones à risque". En attendant, une révision du plan d'occupation des sols (POS, qui s'appellera désormais PLU, plan local d'urbanisme) a été lancée pour mieux prendre en compte le risque d'éboulement. Car il est hors de question de faire évacuer la zone. "C'est de la dynamite, si je prends un arrêté d'évacuation, je ruine tout le monde", avoue le maire.

De fait, les habitants affirment qu'ils ne partiront pour "rien au monde", comme le raconte André, 65 ans, qui réside là "quasiment depuis (sa) naissance". "Ca fait des siècles que les pierres tombent", poursuit-il, se disant, comme son voisin Roger, "pas du tout effrayé". "Le paradis, ça se paie". Et même très cher. Selon le journal marseillais l'Hebdo, un cabanon de 90 m2 est actuellement en vente pour 360.000 euros, un autre de 60 m2 s'affiche à 160.000 euros.

"C'est à une demi-heure de Marseille, Marignane ou Fos", explique Roger Estève, qui n'exclurait pas de céder lui-même à la tentation si l'occasion s'en présentait. "Le Conservatoire vous garantit que l'environnement ne sera pas dégradé. Si on prend le pari que le contribuable, paiera, d'une façon ou d'une autre, la consolidation, cela ne peut que prendre de la valeur".

actionclactionfp