ENQUÊTE. Le dernier numéro de Cash Investigation s'est plongé ce 23 avril dans le monde HLM en épinglant les pratiques douteuses de trois bailleurs sociaux privés: l'Immobilière du Moulin vert en Ile-de-France, la Sogima à Marseille et le nordiste Vilogia.

A Cergy, certains candidats à la location ont dû verser de généreuses enveloppes pour que leur dossier soit posé en haut de la pile lors de commissions d'attributions de l'Immobilière du Moulin vert. Dans la cité phocéenne, la Sogima aurait mal interprété les décrets sur le calcul des charges au point de devoir rembourser 3,5 millions d'euros à plus de 700 locataires pour des trop-perçus. Le groupe Vilogia, a lui, préféré le soleil du sud pour y investir dans du patrimoine hôtelier, alors qu'il est l'objet de critiques sur l'entretien de son parc social.

 

Qu'ont en commun ces trois bailleurs sociaux ? Ils ont été épinglés par le dernier numéro de Cash Investigation, qui a jeté une lumière crue sur des pratiques douteuses voire illégales, décrites comme isolées par les intéressés.

 

Comme à l'Immobilière du Moulin vert, où des chargés de clientèle sont soupçonnés d'avoir empochés des sommes en argent liquide, avoisinant les 3000 euros, contre des attributions de logement social quitte à falsifier certains documents. Alors que l'émission de Cash Investigation passait encore à l'écran, l'entreprise sociale pour l'habitat basée à Paris s'est embarquée dans un long fil de réponses sur Twitter. Celle-ci a notamment admis que "même s'il y a eu quelques rares erreurs que nous regrettons, des mesures correctives ont été prises afin qu'elles ne se reproduisent plus".

 

 

Un décret mal interprété

 

Interrogé à la fin du numéro d'investigation, le ministre du Logement Julien Denormandie a rappelé la fonction de contrôle et de sanction de l'Ancols (Agence nationale de contrôle du logement social). Des trois bailleurs cités, seule l'Immobilière du Moulin vert est passée sous la loupe de l'inspection de l'Ancols, qui avait rendu son rapport définitif en mai 2017. Parmi les griefs, le gendarme du logement social faisait état d'un "contrôle interne insuffisant", d'"infractions aux règles de la commande publique" et d'une "population logée trop peu sociale".

 

A Marseille, c'est une toute autre affaire qui concerne cette fois-ci la société d'économie mixte Sogima, détenue à 44% par la municipalité phocéenne. En cause, une hémorragie des charges dans les quittances de loyer des locataires. Au point qu'une association des locataires de la Sogima a réussi à lui faire rembourser 3,5 millions d'euros de trop-perçus à plus de 700 locataires.

 

"J'ai déjà reçu des coups de fil après le reportage, de locataires souhaitant récupérer leurs charges, mais ils se réveillent un peu tard", raille Pascal Caserta, cheville ouvrière de l'Association de défense des locataires de la Sogima (ADDLS) qui dit vouloir "alerter les locataires de France et de Navarre que tout le monde fait des erreurs, et qu'aujourd'hui, les professionnels ne sont pas à la hauteur et se croient tout permis".

 

Les ambitions hôtelières de Vilogia

 

Le décret de 1987 qui fixe la liste des charges récupérables en fonction des tâches exercées par la gardienne ou le jardinier aurait ainsi été "mal interprété" selon la Sogima, ou "mal appliqué" selon certains résidents. La Sem s'est également défendue dans une enfilade de tweets, affirmant qu'une "comptabilité analytique et un observatoire des charges (…) a été créé pour assurer la plus grande transparence dans la gestion".

 

 

Toujours dans le sud de la France, du côté d'Antibes, Cash Investigation s'est arrêté sur la nouvelle convoitise du groupe Vilogia: le patrimoine hôtelier. Celui qui se targue d'être la troisième entreprise sociale pour l'habitat de France a ainsi acquis un hôtel dans l'ambition de le convertir en logements sociaux, et imaginait déjà l'installation d'un complexe de luxe dans l'ancien siège d'IBM et les coteaux d'Antibes.

 

Pour l'heure, le groupe du Nord ne s'est toujours pas exprimé, mais son président Jean-Pierre Guillon a affirmé auprès de nos confrères de La Voix du Nord que Vilogia n'avait "nullement" l'intention de gérer un hôtel, et que les luxueux projets antibois étaient déjà une affaire ancienne.

 

Les principaux gestionnaires de logements sociaux

 

Office public de l'habitat : établissement public créé par décret au Conseil d'Etat à l'initiative d'une commune, d'une intercommunalité ou d'un département.

 

Entreprise sociale pour l'habitat : société anonyme d'intérêt général et aux objectifs non-spéculatifs. Ses statuts sont régis par des clauses-types. Si l'ESH doit rendre des comptes à ses actionnaires, les bénéfices sont censés être réinvestis dans le parc.

 

Société d'économie mixte: société anonyme de droit commercial (privé) dont le capital est partagé entre un actionnariat public et privé.

 


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