INTERVIEW. L'architecte DPLG et anthropologue marocaine Salima Naji, spécialiste d'architecture vernaculaire, revient sur la catastrophe qui a touché le Maroc en septembre 2023. Dans un entretien pour Batiactu, elle explique les systèmes constructifs mis en œuvre dans le pays et dessine des solutions pour le reconstruire.


Le séisme de magnitude 6,9 qui a frappé le Maroc le 8 septembre a fait près de 3.000 morts et plus de 5.600 blessés, d'après un dernier bilan officiel. "Des fissurations mesurées, pour une grande majorité réparables" ont été constatées par des architectes et ingénieurs dans le secteur urbain de Marrakech et environs, indique la fondation Architectes de l'Urgence, dans un communiqué.

 

Le secteur rural et les zones montagneuses sont en revanche fortement touchés. "Les destructions et dégâts les plus importants s'y concentrent. C'est donc dans ces secteurs, plus éloignés et moins facilement accessibles qu'il va falloir très rapidement apporter des solutions de logement d'urgence aux populations vulnérables car l'hiver sera là dans un ou deux mois." La fondation a indiqué qu'en zone rurale, les maisons essentiellement réalisées en terre ou en ossature poteaux poutre avec remplissage parpaings n'avaient pas résisté au séisme. Toujours selon l'organisation, la plupart "ne respectaient pas les normes de la réglementation parasismique des constructions en terre de 2011 ou le règlement parasismique de 2001 pour autre type de construction". Mais la situation est plus complexe que cela.

 

C'est ce que démontre l'architecte DPLG et docteure en anthropologie sociale marocaine Salima Naji, qui nous a accordé un entretien. Installée depuis 2008 dans le sud du Maroc, elle défend une architecture ancrée dans son territoire, et prône l'utilisation de matériaux bio et géosourcés. Diplômée de l'École d'architecture de Paris-La-Villette, elle multiplie depuis vingt ans les chantiers participatifs autour de la préservation des architectures collectives sahariennes. Son objectif ? Appliquer une démarche d'innovation respectueuse de l'environnement pour offrir une architecture contemporaine à caractère social. Elle prône ainsi, dans sa pratique, la préservation des villages et monuments dans les oasis et propose une intervention revitalisant le bâti rural ancien.

 

Batiactu : Où étiez-vous au moment du tremblement de terre ?

Salima Naji : J'habite une maison construite en pisé et j'étais à l'étage quand cela s'est produit. Je suis à 300 kilomètres de l'épicentre, dans une zone peu sismique. La maison a admirablement tenu. Elle était bien ancrée, possède des murs stables, dégage une impression de grande solidité et ne présente aucune fissure. Cette nuit-là, j'ai entendu un son et j'ai su, au bout de cinq secondes, que c'était un tremblement de terre et qu'il fallait sortir immédiatement, dans le cas où le bâtiment s'écroulerait. Nous avons senti la réplique trois jours après, puis nous en avons ressenti une autre cinq jours après, et sur place il y en a eu beaucoup, des faibles et des moins faibles.

 

La maison est chaînée par des bois horizontaux en longrines, un procédé traditionnel qui a fait ses preuves et que j'ai pu observer dans tous les ouvrages que j'ai restaurés. Ces derniers, soit une trentaine de bâtiments, ont, par ailleurs, tous résisté au séisme, bien qu'ils ne soient pas exactement dans cette zone.

Peut-on dire que le Maroc est un pays vulnérable en cas d'épisodes sismiques ?

Tout dépend de l'endroit où l'on se trouve. C'est la même chose en Italie, en Grèce, en Turquie... Le Maroc, comme de nombreux pays méditerranéens, est localisé dans une région où les risques sismiques sont connus, en bordure de plaques tectoniques actives. Pour autant, comme vous savez, les séismes sont imprévisibles. Le massif montagneux de l'Atlas s'est formé grâce à la rencontre de la plaque africaine et de la plaque eurasienne. Il est né sur des durées géologiques d'un millimètre par an, en moyenne. Par définition, le paysage se modifie, le sol bouge et rien ne lui résiste dans certaines zones. Malheureusement, l'épicentre
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