Le pique-prune, un scarabée intégralement protégé, offre l'exemple rarissime d'un projet d'aménagement stoppé et modifié pour respecter la vie d'une espèce menacée.

La fable du pique-prune commence en 1996, «lorsqu'un entomologiste amateur repère la bestiole sur le tracé de l'autoroute A28» qui doit relier Alençon, Le Mans et Tours, rappelle Patrick Blandin, professeur au Muséum d'histoire naturelle. Le pique-prune n'est pas n'importe quel scarabée. Il se nourrit de bois mort, qu'il décompose et transforme en terreau et permet au sol de garder sa fertilité. Il est protégé intégralement (oeufs, larves et nymphes) car il déclenche des mécanismes biologiques mettant en cause des centaines d'espèces végétales, selon les écologistes, qui en font aussitôt leur cheval de bataille.

En 1997, Cofiroute sollicite le Muséum sur l'impact du projet pour trois espèces protégées (pique-prune, lucane cerf-volant et grand capricorne). C'est seulement après un avis définitif du Muséum d'histoire naturelle que le feu vert est donné en juillet 2002, après 5 ans de délai, à la reprise des travaux. Le Muséum conclut que le remembrement de terres qui accompagne la construction de l'autoroute a infiniment plus d'impact sur le pique-prune que l'autoroute. Entre-temps, Cofiroute a dû revoir sa copie : des voies d'accès et un échangeur ont été déplacés, et le remembrement a été modifié pour préserver des haies, indispensables non seulement au pique-prune, mais aussi aux autres insectes et aux oiseaux. La protection de l'environnement a rarement gain de cause dans un projet d'aménagement : tout récemment, un if de 400 ans a été abattu en Dordogne sur le tracé de l'A89, malgré un combat d'un an et demi du photographe spécialiste des arbres vénérables Jérôme Hutin. Les Autoroutes du sud de la France ont jugé son déplacement trop coûteux et aléatoire, et ont refusé de modifier le tracé après avoir acquis les terrains correspondants.

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