ARCHITECTES. Cyril Trétout, directeur général d'ANMA (Agence Nicolas Michelin Associés) explique que si les études d'avant-projets vont pouvoir continuer pendant le confinement, l'arrêt de tous les chantiers suivis par l'agence va peser sur son chiffre d'affaires. Après la crise, il estime qu'il faudra absorber le choc et s'assurer de la capacité des maîtres d'ouvrage à régler les factures.

Batiactu : comment s'organise le travail de l'agence, dans cette première semaine de confinement?

 

Cyril Trétout : Il n'y a plus personne à l'agence. Nous fonctionnons, comme beaucoup d'entreprises, par messagerie. Nous sommes habitués à travailler à distance, car nous avons plusieurs projets en régions et cela fait quelques temps que dans un souci de réduction des déplacements, pour des raisons d'empreinte carbone, notamment, nous privilégions les visioconférences. Le défi a été de rentrer dans la logique du télétravail intégral en 24h, sauf pour les équipes au chômage partiel, et d'en tester le bon fonctionnement. Mais nous sommes aujourd'hui opérationnels.

Quelles sont les conséquences sur votre activité en termes de réponse aux appels d'offres ?

La phase concours est fortement ralentie, car il y a peu d'échanges avec les donneurs d'ordres. Les échéances vont très certainement être repoussées. Pour les rendus des deux mois à venir, nous sommes donc dans l'attente. Pour donner un exemple, Séquano [Sem d'aménagement francilienne, ndlr] nous a fait savoir qu'elle fermait ses bureaux, qu'elle annulait tous les déplacements, et que tous les appels d'offres étaient repoussés d'un mois. Cela donne un peu plus de temps pour finaliser les offres... Pour une agence, cette phase ne génère pas la partie la plus importante du chiffre d'affaires, il n'y a donc pas d'impact majeur sur la santé financière à ce niveau-là.

Les études en cours peuvent-elles continuer ?

La phase d'études constitue, contrairement à la phase concours, la majeure partie du chiffre d'affaires de l'agence. C'est donc la partie la plus délicate, mais aussi la plus simple à poursuivre à distance, car la grande majorité des projets sont travaillés sur Revit (suite Autodesk), avec une totale capacité des équipes à travailler de chez eux en simultané. Sur cette phase, la question c'est bien la gestion des équipes à distances, c'est ce qui est nouveau. Mais nous sommes dans un relatif confort, et je suis confiant dans le fait que la majorité des études (une dizaine) en cours vont garder leur rythme d'avancement, qu'il s'agisse d'avant-projets sommaires ou d'avant-projets définitifs.
Il y a une petite partie d'études qui vont être bloquées, je pense à celles qui sont au stade du dépôt de permis de construire. Les délais de validation des études seront surement repoussés. L'important pour nous sera de pouvoir facturer.

Comment vivez-vous l'arrêt de nombreux chantiers ?

Nous avons douze chantiers en cours actuellement, ce qui est plutôt beaucoup pour l'agence (cela fluctue selon les périodes). La totalité sera arrêtée d'ici la fin de semaine, que ce soit en raison de problèmes d'approvisionnement, de l'absence des équipiers ou d'une décision des maîtres d'ouvrage. C'est une part importante du chiffre d'affaires qui se trouve suspendue. Toutes les équipes qui faisaient du suivi de chantier sont en chômage partiel.

 

C'est la reprise qui sera une période très intéressante, pour voir comment les maîtres d'ouvrage, autant publics que privés, prendront en compte les difficultés des agences. Ce sera un test de l'écoute et de la compréhension dont nous pouvons tous faire preuve en période de crise.

Qu'en est-il de vos projets urbains ?

Ily a chez ANMA une forte activité en urbanisme et espaces publics. Il s'agit aussi bien d'études classiques comme la conception de faisabilités, de fiches de lot ou de plans directeurs mais aussi d'opérationnel, qui implique d'être sur site, d'organiser des ateliers à plusieurs, avec toute la chaîne des donneurs d'ordres aux exécutants. Cette dernière partie est fortement impactée car même si les maîtrises d'ouvrage ont le désir de continuer, nos méthodes d'atelier, de concertation et de réunions des expertises ne sont plus envisageables aujourd'hui. Et c'est cette manière de faire qui est au cœur des projets urbains de l'agence. Même si nous allons continuer les études classiques, sur cette partie urbaine nous somme sous les 70% d'activité mobilisable.

 

Comment envisagez-vous l'après ?

La question de la santé financière de l'agence va se poser. Après janvier-février, qui n'est généralement pas une période de rentrées d'argent importantes, nous ne sommes pas dans de bonnes conditions pour absorber un choc. Il y a l'inconnue de la capacité des donneurs d'ordres à payer. Mais les banques nous suivent, ce qui est rassurant. C'est la reprise qui sera une période très intéressante, pour voir comment les maîtrises d'ouvrage, autant publiques que privées, prendront en compte les difficultés des agences. Ce sera un test de l'écoute et de la compréhension dont nous pouvons tous faire preuve en période de crise. D'un point de vue opérationnel, à un moment on va forcément nous demander de rattraper le retard accumulé sur les chantiers. Cela promet d'être intense.
Cette crise implique une réorganisation totale de l'agence. Il y aura certainement un après Covid-19. La priorité aujourd'hui est la santé de nos collaborateurs et de leur proches en leur permettant le télétravail. Après cette période d'adaptation, il est logique que ces expériences des nouveaux modes de travail auront un impact et donneront de nouvelles perspectives en terme de travail à distance. Il s'agira d'être à l'écoute et de remettre en question les espaces de travail traditionnels.

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