LOGEMENT. Le Club de l'amélioration de l'habitat a tenu ses Assises le 28 juin dernier. Pour les experts du secteur, il faut replacer les besoins des habitants au cœur de la rénovation.

La rénovation fait partie de tous les débats actuels. Elle faisait également partie des thématiques abordées lors des Assises du Club de l'amélioration de l'habitat, qui se sont déroulées le 28 juin 2021. Depuis près de trente ans, l'organisation travaille sur la filière de la rénovation de l'habitant en agissant pour dynamiser le secteur. Pour discuter des problématiques qui entourent la filière, l'organisation a invité un panel d'experts et discuté d'une récente enquête d'opinion, commandée par le Club, et menée par Cah-Qualitel et Ipsos auprès de 2.946 propriétaires.

 

75% des logements ont plus de 20 ans

 

Il en ressort que parmi les répondants, qui sont tous des occupants de leur résidence principale, 38% ont réalisé des travaux et 17% ont eu un projet de travaux mais ne l'ont pas fait aboutir. Les sondés ont, pour les trois quarts, plus de 45 ans et sont en majorité des actifs, a analysé Jean-Yves Gouret, consultant expert Energie Active. 75% de ces logements ont 20 ans ou plus, et hébergent au moins deux personnes.

 

"L'essentiel des propriétaires sont très attachés à leur logement et y habitent depuis 15 ans ou plus", a ajouté le consultant. "La plupart d'entre eux ont constaté que leur maison avait pris de la valeur, notamment grâce au bon entretien ou à leurs travaux de rénovation." Parmi les interrogés, 36% cherchent du bien-être au quotidien dans leur foyer, en choisissant des équipements dits "modernes", en se focalisant sur la température des pièces ou l'apport de plus de lumière.

 

Changements de comportements

 

Souvent, l'habitat rénové passe par l'agrandissement ou le réaménagement de pièces, notamment l'ajout d'une véranda ou d'un atelier. "Ce sont des travaux coûteux, que l'on ne fait pas dix fois dans sa vie", a attesté l'analyste, qui a repéré cinq façons de se comporter vis-à-vis des travaux. "Les travaux se font souvent lorsque le foyer comporte au moins un couple." 35% sont considérés comme "passifs", c'est-à-dire qu'ils font peu de travaux. Ils sont généralement jeunes et habitent en majorité dans un appartement. "Ils viennent d'acheter leur bien, en sont fiers et ont souvent peu d'argent disponible pour financer des travaux." 45% sont des "embellisseurs", qui font donc des travaux pour embellir leur maison.

 

"80% du parc de logement en France a plus de 20 ans", a rappelé Sandrine Louit, directrice marketing et communication à Qualitel. Pour elle, la rénovation d'un bien immobilier peut dépasser la notion même de logement pour se transformer en espace de travail, notamment avec le déploiement du télétravail. La clé, selon elle, est "d'accompagner le changement de comportements" et de "comprendre les motivations qui poussent à la rénovation". L'amélioration de l'habitat ne peut se faire qu'en intégrant les habitants au cœur du dispositif, a estimé François Pélegrin, architecte urbaniste. "La crise sanitaire a permis de prendre conscience de l'importance de l'habitat et de son environnement, et des changements s'opèrent dans les logements."

 

Le souci du bien-être érigé en priorité

 

Le parc résidentiel français est composé de 37 millions de logements, dont 30 millions de logements principaux, a chiffré Giovanni Lecat, délégué Thermorenov, une association de spécialistes de la rénovation thermique. Parmi ces biens, 25 millions font partie du parc privé (avec 18 millions de propriétaires-occupants et 7 millions de locataires), et 5 millions sont des logements sociaux. 11 milliards d'euros de travaux sont réalisés par les particuliers, tandis que 7 milliards d'euros de dépenses proviennent des bailleurs sociaux.

 

"Si chaque rénovation obéit à des paramètres qui lui sont propres, ceux qui réalisent des travaux concilient le souci de bien-être dans leur habitat et une meilleure organisation", atteste Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable. "Pour que l'élan de rénovation se traduise par des actions efficaces, nous avons besoin de chaque acteur de la filière. Surtout, nous n'avons pas le droit à l'erreur car un ménage déçu est un ménage perdu pour la rénovation", prévient-il.

 

Retrouver le dialogue avec les consommateurs

 

 

De son côté, Marjolaine Meynier-Millefert, députée de l'Isère et membre de la commission du Développement durable et de l'Aménagement du territoire, veut rappeler que "la santé et les lieux de vie des habitants" sont intrinsèquement liés. Outre cette question sanitaire, Jean-Yves Gouret appelle à trouver les bons mots pour s'adresser aux particuliers. "Les gens sont fiers de chez eux, alors, quand on parle de remettre à l'état, d'insalubrité, comment peuvent-ils se sentir concernés ?", s'est-il demandé. "Il faut accompagner les consommateurs à trouver les bons professionnels et à les aider dans les démarches administratives."

 

Bien que le marché de la rénovation soit important, il n'évolue que d'un à deux pourcent par an depuis 40 ans, a voulu rappeler le club. Pour Luc Broussy, président de France Silver Eco, le logement et la ville doivent également être adaptés aux personnes âgées, qui veulent aujourd'hui vieillir chez eux. "La notion de 'chez soi' est revisitée avec les nouvelles formes d'habitat, notamment les résidences seniors ou les hébergements solidaires [où vivent deux générations sous le même toit, ndlr]".

 

S'appuyer sur les habitants

 

Pierre-René Lemas, président France Active, un réseau dédié aux entrepreneurs, a dressé le même constat. "Il est temps de changer le regard pour commencer à transformer notre modèle d'habitat en s'appuyant sur les habitants actuels et futurs et sur les acteurs locaux", a-t-il exhorté. Selon lui, la qualité de l'habitat passe par l'intégration d'éléments qualitatifs, tels que la prise en considération de l'environnement ou encore l'intégration d'une mixité sociale. Une affirmation qu'approuve Dominique Jouffroy, architecte du patrimoine et membre de l'Unsfa, qui revendique de "jouer collectif pour sortir de l'isolement individuel".

 

"L'économie circulaire doit être un élément clé dans la stratégie d'amélioration de l'habitat" a, lui considéré François-Michel Lambert, député des Bouches-du-Rhône et président de l'Institut national de l'économie circulaire. Il a appelé à sortir de la "société du gaspillage". "On peut apporter du bien-être et du confort aux citoyens", a conclu Benoit Bazin, directeur général du groupe Saint-Gobain. "Nos métiers sont essentiels à notre pays et la rénovation du parc résidentiel est un enjeu important car c'est l'équilibre politique de notre société. Il nous faut aller vite face à une urgence sociale, économique, politique et climatique."

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