L'heure est au questionnement après la révélation des 22 lauréats de l'appel à projets "Réinventer Paris". Quels intérêts présente ce nouveau format de concours public-privé ? Opportunité ou danger pour la profession d'architecte, les avis divergent. Analyse et réactions.

Dévoilé en grande pompe, la semaine dernière, par la maire de Paris, Anne Hidalgo, le concours international d'architecture "Réinventer Paris" a sans nul doute eu un certain succès. Pour preuve, les nombreux échos dans la presse suite à annonce des résultats. Pas vraiment un concours d'ailleurs, mais un appel à projets.

 

Pour mieux comprendre, l'originalité de cette opération tient davantage à sa méthode, qui a consisté à inciter les promoteurs immobiliers à investir dans des projets novateurs et à se rapprocher d'architectes et de maîtres d'œuvre avec lesquels ils n'avaient pas l'habitude de travailler, nous rappelle ainsi, ce lundi, la mairie de Paris. Une position qui est loin d'être partagée par l'Ordre des architectes, qui, le premier, a tiré à boulet rouge sur ce format.

"Une compétition entre promoteurs"

"Alors que la municipalité, avec la compétence de ses services a toujours porté haut le désir d'architecture, alors que Paris a toujours su imposer l'intérêt public de l'aménagement urbain avec les aménageurs, les bailleurs sociaux et les promoteurs privés, voilà que Paris a déployé cet appel à projets urbains innovants sur 23 sites qui se présente, en réalité sous la forme d'un appel d'offres pour promoteurs privés", nous rappelle, Catherine Jacquot, présidente du Cnoa.

 

"La Ville de Paris a ainsi demandé aux promoteurs de proposer le meilleur projet, le plus innovant, au meilleur prix, ajoute-t-elle. Pour simplifier les procédures, il n'est pas question ici, d'organiser des concours d'architecture dans le cadre du code des marchés publics. A charge pour les promoteurs de choisir les architectes, à charge pour les architectes de solliciter les promoteurs !"

Un coût de participation parfois élevé

Avant d'enfoncer le clou : "La procédure, très peu encadrée, permet à la mairie de Paris de faire une récolte d'idées et de projets alors que de nombreuses équipes d'architectes ont dû travailler sans aucune rémunération. Participer à un tel concours représente pour une agence l'équivalent d'un avant-projet définitif, cela signifie, que c'est une consultation dont le coût s'élève à des dizaines de milliers d'euros." A titre d'exemple, une agence nous a révélé avoir dépensé 30.000 euros soit six personnes à temps plein durant un mois.

 

C'est pourquoi, l'Ordre des architectes demande qu'à l'occasion d'appels à projets lancés par les collectivités territoriales en dehors du code des marchés publics, soient mises en place des règles qui définissent clairement la place des intervenants, des règles de concurrence, de transparence et d'indépendance à respecter pour la maîtrise d'œuvre du projet urbain et architectural, développe également Catherine Jacquot, précisant bien qu'un appel à projets n'est pas reconductible.

"Un plan de communication redoutable"

La colère monte aussi sur le terrain. Ainsi, un candidat malheureux sur le site Clichy-Batignolles (17ème) - souhaitant conserver son anonymat - déclare : "C'est avant tout un plan de communication redoutable, on le savait et on le regrette ! Lorsque j'entends de la part de Jean-Louis Missika, adjoint délégué à l'urbanisme : 'les règles de Réinventer Paris étaient connues de tous dès son lancement', je lui rappelle que les architectes ont faim et sont prêts à tout aujourd'hui pour remporter un projet."

 

La mairie de Paris, a, en effet, rappelé que les "règles de Réinventer Paris étaient connues de tous dès son lancement, que les équipes qui ont décidé d'y participer savaient donc quels en étaient les avantages, mais aussi les contraintes, et que celles-ci ont choisi de leurs propres initiatives."

 

Par ailleurs, la ville de Paris insiste sur le fait que les architectes non retenus auront tout de même bénéficié d'une importante visibilité ; une visibilité qui se poursuit avec l'exposition au Pavillon de l'Arsenal ; ils pourront pour certains d'entre eux voir le jour dans d'autres lieux, à Paris ou ailleurs et pourront enfin, pour d'autres, être réutilisés dans leurs grandes lignes par leurs concepteurs pour candidater à d'autres concours, lancés par Paris ou par d'autres territoires.

"Cette initiative permet de décloisonner les professions"

C'est le cas par exemple, de l'architecte Christian Biecher qui n'a pas été retenu avec Promogim sur le site Triangle Eole-Evangile dans le 19ème arrondissement de Paris (Ndlr : remporté par TVK et OLM Paysage). Malgré l'énorme déception, l'architecte compte sans aucun doute réitérer l'expérience. "Cette initiative permet de décloisonner les professions et dorénavant de vendre un plan masse à un promoteur !", nous confie-t-il. Même constat pour Jérôme Le Gall chez Arte-Charpentier Architectes, non retenu sur deux projets non communiqués : "C'est le croisement des réflexions de trouver des usages des bâtiments ou de savoir par exemple comment l'on va organiser la ville bas carbone de demain". Autant de réactions et d'avis pour cet appel à projet qui devrait être rééditer, cette fois-ci pour réinventer la Seine !

 

Les principes de l'appel à projets "Réinventer Paris"
L'objet du dernier appel à projets "Réinventer Paris" rappelle qu'il a
pour objet le transfert de droits immobiliers, c'est-à-dire la cession en pleine propriété ou cession de droits réels sur les biens appartenant à la Ville ou à ses partenaires (SEMAPA, Paris Batignolles Aménagement, Paris Habitat, Centre d'Action Sociale de la Ville de Paris - CASVP) en vue de la réalisation du projet porté par le porteur de projet lauréat. Ces transferts ne répondant pas à un besoin de la ville de Paris mais visant à permettre la réalisation de projets innovants pour les besoins propres de leur porteur, sont hors du champ de la commande publique.

 

 

Les montages juridiques proposés par le candidat devront pouvoir permettre la mise en œuvre des conditions posées par la Ville et ses partenaires, notamment celles de l'article 5 du présent additif au règlement, précise la Ville de Paris.

 


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