ANALYSE. Les pouvoirs publics seraient-il en passe de massifier l'électricité dans le parc résidentiel, via la Stratégie nationale bas carbone 2050 ? C'est l'avis de la filière du gaz, qui s'appuie sur une étude spécifique commandée auprès du cabinet Artelys. Analyse.

Le débat continue ! Après avoir croisé le fer à de multiples reprises depuis le début de l'année avec la filière électrique, la filière gaz, via l'association Coénove, propose une alternative au scénario fixé par la Stratégie nationale bas carbone 2050. Car, pour ces professionnels, ce qui se dessine n'est rien moins qu'une "électrification massive" du parc résidentiel. Coénove s'est appuyé sur une étude du cabinet Artelys qui a évalué ce que représenterait, en termes de coût et de mix énergétique, le scénario gouvernemental.


Une part de marché de 56% pour l'électricité ?

 

"Nous militons pour une solution plus diversifiée que ce qui est envisagé dans la SNBC", résume Bernard Aulagne, président de Coénove. Ainsi, là où le scénario de l'administration, interprété par Artelys, envisagerait en 2050 56% de part de marché pour l'électricité dans le résidentiel (soit 19,4 millions de logements sur les 34,9 projetés), et 4,3% de part de marché pour le gaz (dont une minorité en collectif), Coénove invite à voir le choses autrement : 39% pour l'électricité, 20% pour le gaz et 13% pour l'hybride.

 

 

Ce scénario alternatif n'aurait pas pour seule objectif de préserver une part de marché significative pour le gaz, assure Coénove. Il diminuerait ainsi, d'après l'étude d'Artelys, les consommations dans le résidentiel (268 TWh plutôt que les 272 prévus par la SNBC) ; mais aussi la fameuse pointe de consommation en hiver. En prenant pour référence la pire année en la matière, 2012, avec 102 GW, le scénario Coénove débouche sur le chiffre de 109,1, contre 114,1 pour la SNBC. Une économie qui peut paraître faible, mais représente pour l'association l'activité de plusieurs centrales thermiques carbonées. Pour défendre ses vues, la filière gaz insiste sur le fait que ces simulations ont été faites sur la base d'un scénario optimiste où tous les bâtiments ont été rénovés en 2050 en vertu notamment du plan de rénovation énergétique des bâtiments. Autrement dit, si les ambitions en la matière n'étaient pas satisfaites, l'appel de puissance serait plus important encore.


L'actif des 230.000 km de réseaux de gaz

 

Enfin, assure la filière gaz, sur le plan économique le scénario proposé coûterait 270 millions d'euros de moins que la vision purement SNBC. Bernard Aulagne avance également l'argument de la valeur de l'actif des 230.000 kilomètres de réseau gaz, propriété des collectivités locales, autre point non abordé dans la PPE.

 

Toutefois, force est de constater qu'en matière de gaz vert, la filière n'en est qu'au début : seulement 1,5 TW sur 400 au global - même si plus de sept cents projets de gaz vert ont été identifiés et pourraient totaliser 16 TW à moyen terme. Un autre levier de développement sont les solutions hybrides, de type pompes à chaleur couplées avec une chaudière à condensation, qui pourraient en 2050 représenter 9% du marché du résidentiel neuf dans le scénario Coenove. "Nous regrettons qu'il ne soit pas fait mention de ces équipements dans la SNBC", note d'ailleurs Bernard Aulagne. "Ils ont notamment le mérite de pouvoir lisser la pointe électrique en hiver."

 

La PPE devrait être revue dans les semaines à venir

 

Même s'ils ne se sentent pas assez entendus par un État actionnaire majoritaire (83,7%) d'EDF, les professionnels ne perdent pas espoir, dans la mesure où "la PPE devrait bouger dans les semaines à venir, et être moins défavorable au gaz", croit savoir Bernard Aulagne. Le projet initial prévoyait 6-8% à l'horizon 2028, on pourrait arriver à 10%. Par ailleurs, un amendement apporté au projet de loi énergie et climat remet du baume au cœur des gaziers : la PPE pourrait devenir révisable tous les cinq ans, ce qui permettrait de penser des voies alternatives et "ne pas fermer la porte trop vite". Les externalités positives à la production de gaz vert (revenu supplémentaires pour les agriculteurs, recyclage des déchets) pourraient aussi peser dans la balance pour entraîner la dynamique.

 

"Au niveau électricité, on est actuellement tendu en hiver", observe Bernard Aulagne. "Il faut mettre ce débat sur la table, car il serait paradoxal de massifier l'électricité dans un tel contexte. Il y a plusieurs usages de l'électricité qui sont très importants, mais est-ce une solution si pertinente en logement ? De notre côté, nous partageons les objectifs de la SNBC et nous acceptons l'idée de diminuer la part du gaz et de nous convertir à 100% au biogaz."

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