L'Europe vit un moment crucial, avec l'adoption du paquet Energie-Climat pour 2030 et la gestion de la crise en Ukraine, deux défis qui conditionnent la politique en approvisionnement énergétique de l'Union. Dominique Ristori, le directeur général "Energie" de la Commission européenne, expose la situation et les perspectives à l'occasion d'une conférence organisée par l'association Eden.

Alors que la France est en plein vote de la loi de transition écologique et qu'elle prépare activement la future conférence Paris Climat 2015, l'Union européenne cherche à développer une réelle politique commune de l'énergie. "Nous faisons face à deux défis essentiels", dévoile Dominique Ristori, le directeur général de la délégation "Energie" à la Commission européenne. "La sécurité énergétique et la compétitivité, d'une part, et la lutte contre le changement climatique, d'autre part". Deux questions qui placent l'énergie au cœur des débats.

Le bâtiment, premier levier de l'efficacité énergétique

Un premier pas a été réalisé à la fin du mois d'octobre 2014, au Conseil européen, avec la signature d'un accord sur le paquet Energie-Climat pour 2030, qui fixe un objectif contraignant d'au moins 40 % de réduction d'émissions de gaz à effet de serre (par Etat membre), un objectif de 27 % d'énergies renouvelables contraignant à l'échelle de l'Union, et un objectif de 27 % d'efficacité énergétique. "Certains y voient une rupture entre anciens et nouveaux Etats membres, notamment de l'Est. En fait cet accord a donné lieu à d'intenses discussions et ont abouti au meilleur compromis possible. Mais tous les premiers ministres et chefs d'Etats ont manifesté leur satisfaction", raconte Dominique Ristori. Pour lui, "l'approche adoptée, basée sur le marché, est la bonne. Les propositions de la Commission ont été largement adoptées, notamment dans le cas des énergies renouvelables, qui sont devenues compétitives". Le directeur général souhaite que le marché de l'énergie ne soit pas dérégulé mais qu'il reste encadré, notamment au niveau des aides apportées par les Etats, avec une élimination progressive des subventions. "Les régulateurs indépendants doivent trouver leur rythme de croisière et que se crée une culture commune de coopération", précise-t-il. Sur l'efficacité énergétique, Dominique Ristori estime que plusieurs leviers doivent être actionnés, dont le bâtiment en premier lieu, "le plus réactif à la relance, grâce à la rénovation et l'isolation", afin de générer emploi et développement économique.

Crise ukrainienne et gaz russe

"Se pose également, aujourd'hui, la question de la sécurité des approvisionnements énergétiques, compte tenu de la crise russo-ukrainienne. Car oui, l'Union est dépendante de la Russie à hauteur de 39 % en 2013. Nous sommes donc touchés par cette crise et nous avons négocié un accord temporaire, pour l'hiver, avec une reprise des fournitures de gaz à l'Ukraine contre le paiement de ses dettes", expose-t-il. Les événements en Europe orientale ont entraîné l'adoption de mesures comme un stockage accru du gaz (aujourd'hui à plus de 90 % de ses capacités) ou l'installation d'un terminal GNL flottant en Lituanie. De quoi conforter l'idée d'Union énergétique, présentée comme une priorité du mandat du nouveau président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker. "Elle devra se développer selon quelques axes forts", annonce Dominique Ristori. Il résume : "Il faudra développer la solidarité, diversifier les sources et les routes d'approvisionnement et éliminer les vulnérabilités observées, à l'Est ou dans la Baltique. Le renforcement du marché intérieur du gaz et de l'électricité, avec une meilleur coordination et une réponse plus flexible, sont deux de ces axes. La modération de la demande et la décarbonation, en basculant vers des sources moins polluantes, en sont deux autres".

Relance des investissements et rôle des CEE

Le développement des énergies renouvelables permettra, selon le directeur général "Energie" de la Commission, d'aller au-delà de 50 % d'électricité sans CO2 en Europe. Toutefois, il n'exclut pas de continuer l'exploration dans le domaine des carburants fossiles : "Les réserves souterraines existantes sont à regarder, au moins sous un aspect scientifique et technique". Car Dominique Ristori en est persuadé, les technologies joueront un rôle fondamental dans la diminution des émissions de gaz à effet de serre au niveau de la génération d'énergie. "Il est très important d'investir dans ce domaine, car un grand nombre de centrales vont arriver en fin de vie dans les deux décennies à venir", anticipe-t-il. Les réseaux de transport et de distribution du courant, dits "intelligents", permettront dans le même temps aux usagers de mieux maîtriser leur consommation. "Le plan de relance des investissements, présenté ce mercredi par le président de la Commission, devrait permettre de mobiliser 300 milliards d'euros. Il y a urgence à agir, à donner un coup d'accélérateur. Il s'agit d'un effort conjugué entre les différents Etats membres qui sera profitable à l'économie de l'ensemble des secteurs", conclut-il. Le directeur général assure que ce plan de relance comportera un volet PME, et que les CEE joueront un rôle important afin de rapprocher les pratiques de celles qui fonctionnent le mieux.

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