Selon une juge d'instruction du tribunal de grande instance de Paris, le manque de moyens et de volonté politique freineraient l'aboutissement des plaintes des victimes de l'amiante. Dans les colonnes du Parisien, Marie-Odile Bertella-Geffroy dénonce toutes les difficultés rencontrées dans la vingtaine de dossiers qu'elle traite.

Alors que la Cour de cassation vient de donner tort à la Cour d'appel de Paris qui avait annulé la mise en examen de dirigeants de la société Eternit pour « homicides et blessures involontaires » de leurs employés, une juge d'instruction au pôle Santé du tribunal de Grande instance dénonce le manque de moyens qu'elle rencontre dans le traitement de dossiers. Marie-Odile Bertella-Geffroy met l'accent, dans une entrevue avec le journal Le Parisien, sur « l'isolement du juge, (…) son manque total de moyen propres » et sur la dépendance vis-à-vis des ministères de la Justice et de l'Intérieur pour l'attribution de personnels et de fonds. La magistrate estime que l'amiante ne serait pas une priorité pour ces ministères qui décideraient du nombre d'enquêteurs de police judiciaire affectés avec indifférence, voire avec une certaine réticence.

 

Pour la vingtaine de dossiers dont elle a la charge, la juge parisienne demande la cosaisine de deux magistrats, deux enquêteurs ayant déjà travaillé sur ces dossiers, deux assistants de justice et d'un médecin ou d'un inspecteur du travail. Et de promettre une instruction bouclée en une année grâce à ces moyens supplémentaires. Marie-Odile Bertalla-Geffroy relève également deux problèmes dans la législation française : « l'inadaptation des seules qualifications juridiques applicables dans ce type de dossiers, à savoir 'homicides et blessures involontaires', et la non-prise en compte du caractère collectif de ces catastrophes qui ne sont appréhendées que comme une succession d'accidents individuels ». La magistrate souhaiterait donc l'introduction de « class actions » comme dans le système judiciaire américain.

 

Vers une évolution de la législation sur l'indemnisation ?
De son côté, le Sénat vient de publier, le 28 juin dernier, une étude de législation comparée sur les fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante. La note compare la situation de trois états de l'Union européenne qui ont créé un tel dispositif : la Belgique, l'Italie et les Pays-Bas. Elle note également que d'autres pays comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni n'ont pas créé de tel fonds d'indemnisation spécifique, les victimes de l'amiante étant indemnisées dans le cadre de la législation sur les maladies professionnelles. Annie David, sénatrice de l'Isère et présidente de la Commission des affaires sociales, suggère que la France pourrait s'inspirer de ses voisins. La note indique notamment que « la grande majorité des systèmes étudiés fait peser la charge de la réparation sur les employeurs, particulièrement aux Pays-Bas où la charge du remboursement repose pour l'essentiel sur les entreprises ». Selon le document, « les mécanismes initialement prévus en France pour faire participer les entreprises ayant utilisé l'amiante au fonds d'indemnisation auraient donc pu être maintenus ». Une piste que pourrait étudier la mission commune d'information sur les conséquences de la contamination par l'amiante. La commission sénatoriale rappelle toutefois que la note de synthèse rédigée n'examine pas d'évolution de la législation sur l'indemnisation antérieure à la création de ces fonds.

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