Candidature Paris JO 2024 oblige, six groupes de travail vont être mis en place sous l'autorité d'un comité de pilotage, pour lancer une mission dédiée aux infrastructures. "Le modèle français du PPP est à bout de souffle", nous signale Thierry Braillard, secrétaire d'État aux Sports. Interview.

Les PPP et l'exploitation des infrastructures sportives sont cette fois-ci dans le viseur du Gouvernement. La question est d'actualité, d'autant plus que Paris est candidate aux Jeux Olympiques de 2024. Ce mercredi 6 octobre 2016, Thierry Braillard, secrétaire d'Etat aux sports, lancera avec le soutien de Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports une grande conférence sur le sport professionnel notamment à travers la création d'une instance de réflexion qui travaillera pendant six mois dans l'optique de fournir des recommandations en mars 2016.

 

Six groupes de travail vont être mis en place sous l'autorité d'un comité de pilotage, composé notamment de la présidente du Conseil national du sport, Dominique Spinosi, et des présidents des principales fédérations et ligues, nous explique le cabinet de Thierry Braillard. Et parmi ces six groupes, un sera dédié à "l'exploitation des enceintes sportives du Sport Professionnel Français". L'objectif est clair : réfléchir à l'optimisation des choix des clubs professionnels quant à la gestion ou à la possession de leur stade ou de leur salle. "Cela concerne notamment le financement public des enceintes sportives, l'évolution de leurs relations avec les collectivités territoriales, la publicité et le sponsoring au sein de ces enceintes, et les éventuelles modifications législatives qui y sont liées", ajoute le ministère, précisant bien que ce sont des experts du secteur, anciens sportifs et chefs d'entreprises du BTP, qui formeront la commission. "De nombreuses personnalités seront impliquées dans chaque groupe, comme par exemple Mohed Altrad, le président du club de rugby de Montpellier, sur le sujet des stades", indiquait justement Thierry Braillard dans les colonnes du Journal du Dimanche (JDD) ces jours-ci.

 

"le modèle français du PPP est à bout de souffle"

 

La position du ministre est désormais claire à ce sujet : "le modèle français du PPP est à bout de souffle". D'après lui, les collectivités ne sont plus en mesure d'investir dans des équipements qui servent au sport professionnel. Le message est le suivant : soit les clubs construisent et gèrent leur propre stade, comme le Racing au rugby à Nanterre ou l'Olympique lyonnais au football à Décines. Soit on inverse le modèle actuel et on fait en sorte que la collectivité n'est plus là pour investir mais pour garantir les investissements sur l'équipement que le club exploiterait.

 

L'alarme dans le monde professionnel n'est pas nouvelle. L'Union des clubs professionnels de football (UCPF) avait pointé du doigt, en mars dernier, le modèle de partenariat public-privé pour la construction et la gestion des stades.

 

Dans son troisième "Baromètre des impacts économiques et sociaux du football professionnel", réalisé par EY et l'Union des Clubs professionnels de football (UCPF), ce mode de financement et de gestion posait de multiples questions aux clubs qui n'en sont que locataires. Sur la saison 2012/2013, quatre stades ont été le terrain de travaux en PPP : le Vélodrome de Marseille (rénovation), Bordeaux, Nice et Lille (construction d'une nouvelle enceinte).

 

Cette étude pointait du doigt plusieurs facteurs : les risques financiers, l'aléa sportif (club rétrogradé), le coût global des opérations et le modèle de répartition de l'exploitation.

Surcoût de 10 à 20 %

Et nul doute que les opposants à ce mode de financement ne manqueront pas de faire un parallèle avec un récent rapport de l'Internationale des services publics (ISP), la Fédération syndicale mondiale, qui indiquait que les opérations de ce type "constituaient un mécanisme de financement de l'infrastructure et des services onéreux et inefficaces, puisqu'il dissimule l'emprunt public tout en fournissant aux entreprises privées des garanties de profit à long terme accordées par l'État".

Avoir recours au secteur privé n'est ni "plus efficace" ni moins coûteux, souligne bien le document de la Fédération syndicale mondiale (ISP), chiffrant de 10 à 20% les surcoûts induits par l'organisation d'appels d'offres et le suivi des PPP.

1,7 milliard d'euros de travaux et quatre PPP

Alors qu'effectivement Paris se prépare soigneusement à la course à la candidature aux JO 2024, rappelons que le prochain Euro 2016 de football a engendré 1,7 milliards d'euros de travaux et quatre PPP. concernant le stade vélodrome de Marseille (270 millions d'euros), le stade Pierre-Mauroy de Lille (324 millions d'euros), l'Allianz Riviera de Nice (243 millions d'euros) et le nouveau Stade de Bordeaux (183 millions d'euros). Enfin, deux sont des projets uniquement privés : la rénovation du Parc des Princes (75 millions d'euros) et la construction du Grand Stade de Lyon (293 millions d'euros).

 



"Nous ne nous interdisons rien, sauf de ne rien faire", Thierry Braillard, secrétaire d'État aux Sports


Thierry Braillard, ministre des Sports
Thierry Braillard, ministre des Sports © Ministère de la Ville, de la Jeunesse et des Sports

Batiactu : Pourquoi créer une commission sur la gestion des enceintes sportives ?
Thierry Braillard :
La question des enceintes sportives est un point déterminant dans la réflexion globale que nous allons mener sur la compétitivité du sport professionnel français. Comme vous le savez, la question de l'exploitation des enceintes sportives suscite des interrogations et une réflexion est nécessaire sur les modalités d'une bonne utilisation des stades et des salles en France. Le financement public est un point qui interroge, les relations entre clubs et collectivités également, on l'a bien vu par exemple la semaine dernière avec le sujet sur une éventuelle vente du Parc des Princes par la Ville de Paris au club du PSG. Au delà, c'est l'ensemble du modèle économique de gestion des stades qui doit être interrogé sans tabou.

 

Batiactu : Quelle est la finalité ?
Thierry Braillard :
L 'objectif est que sorte de cette grande conférence un certain nombre de propositions afin de faire rayonner davantage le sport professionnel français. Un rapport me sera rendu en mars 2016 et les 6 groupes de travail, composés d'experts et d'acteurs du mouvement sportif, devront rendre, chacun dans leur domaine, des préconisations.

 

Comme nous l'avons montré par le passé avec la mission Karaquillo sur le statut du sportif, il ne s'agit pas d'une démarche pour produire un énième rapport sans aucune conséquence. Nous sommes ici dans un cadre où nous aspirons à ce que tous les acteurs du sport professionnel, y compris l'Etat pour ce qui le concerne, puissent converger et se mettre en capacité d'engager de réelles réformes.

 


"Vous connaissez mes critiques sur les PPP (...)"

 

Batiactu : Enfin, comptez-vous rompre le PPP ou envisager un nouveau type de contrat ?
Thierry Braillard :
Pour l'instant, nous ne pouvons pas anticiper ce qui sortira de la réflexion et des échanges des différents groupes. Mais rien n'est fermé. Vous connaissez mes critiques sur les PPP, je pense qu'il y a des dispositifs plus avantageux à imaginer tant pour les financeurs que les gestionnaires des enceintes. Nous ne nous interdisons rien, sauf de ne rien faire.

 

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