A moins de deux ans des Jeux Olympiques de Pékin, les autorités se demandent ce qu'elles feront du million d'ouvriers migrants employés sur les chantiers, une fois les travaux achevés fin 2007, certains responsables allant même jusqu'à proposer leur expulsion.

Pour l'heure, la capitale chinoise est un chantier à ciel ouvert, avec des constructions à tout va d'immeubles, de lignes de métro, de routes et d'un aéroport. Dans ce paysage de bruits et de poussières, les ouvriers migrants sont des figures immanquables, avec leurs casques et leurs tenues de paysans, s'entassant dans des dortoirs préfabriqués, même dans les quartiers les plus huppés de la ville.

«Nous construisons cette ville avec notre sueur», témoigne l'un d'eux, qui donne juste son nom Zhang, de peur d'avoir des ennuis avec son patron s'il est identifié. De son salaire de 1.200 yuans par mois (150 dollars), il arrive à économiser la moitié pour l'envoyer à sa femme et à son fils de 15 ans restés au village, dans la province de Hebei, au nord de Pékin. «La Chine est encore un pays pauvre, donc on ne peut pas trop se plaindre. Nous ne sommes pas en Occident, nous ne sommes pas aussi riches que l'Amérique ou l'Europe», dit-il.
Mais ces hordes d'ouvriers exploités ne semblent pas correspondre à l'image de modernité que Pékin souhaite donner au monde en 2008. La semaine dernière, des médias ont révélé que des responsables du département municipal de la construction et de l'environnement pour Pékin 2008 avaient proposé lors d'une réunion de s'en débarrasser, une fois les travaux terminés fin 2007, et de les renvoyer dans leurs campagnes.
Le gouvernement a ordonné que les chantiers, une des principales sources de la pollution de l'air dans la capitale, soient terminés avant la fin de l'année prochaine.

Si l'information a été aussitôt démentie par le responsable du département, certains estiment cependant probable cette expulsion en masse. «Je suis sûr que le gouvernement trouvera un moyen pour expulser les migrants qui sont des résidents temporaires et qui ne sont pas tout à fait nécessaires», affirme Robin Munro, chercheur au China Laborer Bulletin, une ONG basée à Hong Kong qui défend les droits des travailleurs.
Lorsque Pékin avait organisé les jeux asiatiques en 1990, de nombreux migrants, venus des campagnes pour édifier les stades, avaient été repoussés hors de la ville, a-t-il relevé.
Pour sa part, dans un éditorial, le quotidien Les Nouvelles de Pékin a appelé les responsables de la ville à régler les problèmes pré-olympiques, dont celui des migrants, dans un esprit d'«ouverture».
«Les jeux Olympiques ne sont pas seulement ceux des Pékinois, mais aussi ceux de la Chine et du monde. Par conséquent, n'importe quelle politique devra prendre comme perspective les intérêts du public le plus large et ne pourra pas oublier une partie des gens», a estimé le journal. Pour le migrant Zhang, «si les migrants sont expulsés de Pékin, cela sera vraiment dur pour eux».
Ces dernières années, le gouvernement central a pourtant affiché sa volonté de combattre l'exploitation des travailleurs migrants qui, faute d'un permis de résidence permanent, ne bénéficient pas des mêmes avantages que les habitants des villes (couverture sociale, soins médicaux, accès de leurs enfants à l'éducation).

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