Sur le campus de Bard College, dans l'Etat de New York, se dresse un étrange animal dont la carapace en inox abrite le Fisher Center for Performing Arts et ces deux salles de spectacle. Un petit bijou d'architecture signé Gehry.

Les courbes et les déliés de métal identifient immédiatement Frank Gehry, mais cette fois c'est en pleine nature, à Annandale à 140 km au nord de New York, que l'architecte américain a construit son dernier chef d'oeuvre.

Inaugurée en grande pompe fin avril, cette salle de spectacle se niche dans une université fière de défier les incertitudes du moment. "Lorsque nous avons décidé de construire ce bâtiment, nous savions que la fête était sur le point de s'achever, que l'économie allait se retourner", a expliqué à l'AFP Léon Botstein, président du Bard College qui a bataillé pour réunir les 62 millions de dollars nécessaire à la construction de l'édifice.
"Mais, d'une part, un architecte génial et célèbre comme Gehry n'est pas forcément plus cher qu'un tâcheron, et d'autre part le Conseil d'administration et les donateurs voulaient marquer le coup. L'ouverture de ce centre intervient alors que la situation des arts aux Etats-Unis, et la situation politique dans le pays, tendent vers le moyenâgeux... c'est une heureuse coïncidence" se justifie-t-il.
Sur ces 62 millions de dollars, trente ont été fournis par l'ancien patron de la banque d'affaires Morgan Stanley, Richard Fisher, dont le complexe porte désormais le nom.

L'homme d'affaires peut être fier du résultat. Son nom sera désormais inscrit dans l'histoire de l'architecture car cet édifice et son incroyable armure d'inox - est un véritable chef d'oeuvre. Une nouvelle fois, l'architecte semble s'affranchir des lois de la gravité en habillant l'édifice de gracieuses ondulations en inox. Outre qu'il est moins coûteux que le titane utilisé à Bilbao, l'inox brossé dont les panneaux semblent s'ouvrir comme une orange pour dévoiler un peu de son intérieur reflète mieux le ciel, au point qu'il y disparaît parfois.

Le bâtiment abrite une salle à l'italienne fort classique de 900 places, une salle plus petite (la "boîte noire", jusqu'à 350 sièges), et des studios de répétition. "J'ai pu laisser les poutres métalliques et le béton exposés. Néanmoins, l'auvent a une élégance qui est importante pour les spectateurs venant de New York" a expliqué l'architecte lors de l'inauguration. L'arrière du bâtiment, inaccessible au public, a une vocation purement fonctionnelle et ressemble d'ailleurs d'avantage à un entrepôt.

La critique américaine d'architecture s'est extasiée devant le résultat, à commencer par le redouté Herbert Muchamp du New York Times qui évoque les mânes de Palladio, Piranese ou Orphée pour rendre compte de cet "extraordinaire bâtiment".
A 73 ans, l'architecte confirme être au sommet de son art et l'on attend avec impatience les prochaines livraisons et notamment le Disney Concert Hall, à Los Angeles qui doit ouvrir fin 2003.

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