La volonté des pouvoirs publics de canaliser l'épargne-logement vers les seuls prêts immobiliers risque d'assécher les ressources des banques et de renchérir les taux d'intérêt, ce qui pénalisera le marché de l'immobilier, craignent les professionnels du secteur.

La nouvelle réglementation sur le PEL (plan d'épargne-logement) votée depuis mi-décembre, a été publiée au Journal Officiel mercredi. Ce décret, sans surprise, mais qui met fin à une période de vide juridique de plus de quatre mois, confirme la volonté des pouvoirs publics de lier l'octroi de la prime d'épargne-logement à la demande d'un prêt immobilier.
Depuis le 12 décembre, les nouveaux PEL ouverts et qui ne se concrétiseront pas par un prêt immobilier, seront privés de la prime d'Etat (1.525 euros).

La première conséquence de cette suppression de la prime va permettre à l'Etat de faire des économies en réduisant ses dépenses mais va en contrepartie diminuer le nombre de candidats à l'ouverture d'un PEL et réduire ainsi les trésorerie des banques qui utilisent ces fonds pour les prêter à leurs clients, estime-t-on dans le secteur de l'immobilier.

L'objectif du texte, présenté par le sénateur UMP Philippe Marini mi-décembre, est de réorienter les PEL vers le logement et l'immobilier car ce produit a été au cours des années dévoyé de sa vocation première. Il s'agit de corriger une "anomalie", avait alors indiqué M. Marini.

Selon les auteurs du texte législatif, 86% des épargnants ont ouvert des PEL ces dernières années pour profiter de la prime d'Etat sans pour autant demander un prêt immobilier. Or, l'objectif initial des plans d'épargne-logement était de doper le marché immobilier grâce à l'obtention d'un prêt à taux avantageux après la période de versement (entre 4 à 10 ans).

"Obligatoirement, les ressources des banques vont être plus rares donc à terme plus chères et les taux d'intérêt vont se tendre", a estimé Michel Mouillart, professeur d'économie et spécialiste de l'immobilier. Il a également dit s'attendre à des conditions moins avantageuses sur la durée des crédits.

D'ici l'automne 2004, "les taux des prêts immobiliers pourraient remonter de 100 points de base suite à cette décision sur les PEL", a-t-il calculé en association avec plusieurs banques.
"Si l'idée pour le gouvernement est de réaliser des économies en réduisant le nombre de primes versées, il risque en revanche de perdre des recettes suite à une chute des transactions dans l'immobilier. C'est le serpent qui se mord la queue", a jugé Philippe Audras président de la FNAIM (fédération nationale des agents immobiliers).

Actuellement, 12,5 millions de PEL sont en circulation rémunérés à 4,5% et ouverts pour une durée de 4 à 10 ans. L'Etat a déboursé en 2001 1,47 milliard d'euros en 2001 pour les seules primes versées en fin de mandat aux PEL. A cette somme s'ajoute les exonérations d'intérêts dont bénéficient les PEL, estimées à 1 milliard d'euros par an: au total, le coût de l'épargne-logement s'élève à 2,5 milliards d'euros pour l'Etat.
Interrogée, la Fédération française des banques était mercredi injoignable pour un commentaire sur le décret.

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