Sous les auspices de stars de l'architecture, le chantier de reconstruction du World Trade Center vient finalement de démarrer, après cinq longues années d'amers désaccords et de polémiques.

Au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, les appels s'étaient multipliés en faveur d'une réhabilitation rapide du site. Mais ce volontarisme s'est vite trouvé confronté à une succession de blocages poussant le projet dans l'impasse.

Bailleurs, architectes, politiques se sont jetés dans la bataille pour le contrôle d'un projet qui, dès le départ, polarisait les intérêts les plus divergents, ceux des affaires, de l'art, des victimes ou de l'ambition politique. «Aucun aspect de ce projet n'a été sans contestation, reconnaît aujourd'hui l'architecte du plan d'ensemble, Daniel Libeskind. Le processus s'est fait dans l'émotion et la complexité.»

Au centre de l'attention, la «tour de la Liberté», élément clé du nouveau WTC, qui avec ses 541 mètres devrait symboliser la puissance et la résistance de la ville.

Depuis le choix en 2003, sur concours public, du projet de Libeskind, les plans de la tour ont subi deux changements radicaux, et la construction vient juste de démarrer.

A la veille du 5e anniversaire des attentats, les premiers progrès se font sentir. «Au moins nous avançons dans la bonne direction,» estime Daniel Libeskind, après la mise en branle en avril des premiers bulldozers et engins de terrassement censés poser les fondations du gratte-ciel.

En mai, le détenteur du bail du World Trade Center, Larry Silverstein, a inauguré un immeuble de 52 étages, construit juste au bord du site, sur les fondations d'une tour tombée elle aussi le 11 septembre 2001, après les tours jumelles. «Nous avons construit ce bâtiment dans les temps et les limites du budget, a alors déclaré Larry Silverstein. Il montre ce que l'initiative privée peut accomplir quand les pouvoirs publics n'interfèrent pas.»

Dernière avancée en date, le lancement, le 17 août, du chantier du mémorial, lui aussi retardé pendant des mois notamment pour raisons budgétaires.

Le site bénéficie désormais de l'apport de tout un panel de stars de l'architecture: Richard Rogers, Norman Foster, Frank Gehry, Santiago Calatrava... Les Britanniques Rogers et Foster sont chargés de concevoir chacun une tour, le Canadien Gehry le centre culturel et le Catalan Calatrava la gare des transports en commun, déjà bien avancée.

Pour autant, si le projet semble avoir retrouvé un élan, il lui reste à convaincre les New-Yorkais, excédés par les aléas des dernières années. Selon un sondage réalisé en juillet par la Pace University, 48% des résidents de la pointe de Manhattan jugent que la reconstruction est sur une mauvaise voie. 38% estiment que la Tour de la liberté est un gaspillage d'argent public, et 48% disent qu'ils auraient peur d'y travailler, même si les concepteurs assurent que le gratte-ciel pourra résister à un attentat grâce à son socle d'acier et de titane - Larry Silverstein l'a déjà qualifié d' «indestructible».

Parmi toutes les querelles suscitées par le projet, celle entre Larry Silverstein et Daniel Libeskind aura sans doute été la plus intense, le magnat de l'immobilier poussant l'architecte à d'innombrables révisions de son plan. Les deux hommes se retrouvent cependant pour critiquer l'action des politiques, mais pour des raisons différentes. «Le pouvoir politique a été trop léger, estime Daniel Libeskind. Il ne s'est pas suffisamment penché sur l'urgence de la reconstruction.»

Larry Silverstein au contraire aurait préféré ne voir intervenir aucun décideur politique. Leur présence est à l'origine des retards du projet, estime-t-il: «Avec l'implication des pouvoirs publics, le processus est devenu bien plus difficile, bien plus complexe, et en tout cas bien plus long».



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