ENTRETIEN. A l'aune de cette nouvelle année 2020, Est Ensemble souffle la dixième bougie depuis la naissance de son territoire. Logement, mobilités, mixité, aménagement, Grand Paris...son président Gérard Cosme revient pour Batiactu sur les avancées de cette décennie écoulée, et les prochains "combats" à mener.

Batiactu : Le territoire d'Est Ensemble fêtera ses 10 ans cette année, vous le présidez depuis 2012, quels grands chantiers retiendrez-vous ?

 

Gérard Cosme: Nous avons commencé à travailler dès 2008 avec les villes dans une association de préfiguration, en 2012, nous définissons l'intérêt territorial. Après les élections municipales de 2014, la loi Maptam est créée en 2016 et avec elle, la Métropole du Grand Paris qui nous fait quitter le statut de communauté d'agglomération pour devenir un établissement public territorial. Le point déclencheur, est peut-être la visite de Christian Blanc, qui avait été nommé par le président Nicolas Sarkozy pour travailler sur l'aménagement du Grand Paris en 2010, avec pour mission de rendre un projet de transports autour d'une double boucle de métro. Sur notre territoire, il en conclut qu'il s'agit d'une zone "aride", qu'il a peu de choses à en espérer. Deux ans après, nous voilà avec cinq gares du Grand Paris express. Sans cette démarche de création de la collectivité Est Ensemble, nous ne serions pas au rendez-vous de l'histoire du territoire.

 

Si je devais retenir un élément phare en termes d'aménagement, il s'agirait du projet de la Plaine de l'Ourcq, qui commence à livrer ses premiers logements. En se projetant à cinq ans, nous aurons entre Pantin et Bondy la particularité de cette bande de 11 kilomètres de long, entre l'ancienne Nationale 3 et le Canal auquel nous redonnons vie, dont nous renforçons le côté joyau, et qui nous permet un aménagement qui tourne le dos aux zones d'activités et au morcelage de notre territoire. Nous créons une ville multifonctionnelle sur laquelle on installera une ville de 30.000 habitants.

B: Quel travail a-t-il fallu accomplir pour atteindre cette mixité ?

GC:Par le plan local de l'habitat, qui est une des choses dont je suis le plus fier. Il nous a permis de construire le parcours résidentiel, de décloisonner les sensibilités politiques entre villes de droite qui étaient pour l'accession à la propriété et les villes de gauche qui étaient en faveur de développement du logement social, en créant une mixité fonctionnelle et sociale au sein même du PLH. Celui-ci a notamment sur la Conférence intercommunale du logement (Cil), avec une intelligence de travail saluée par l'Etat, ses partenaires, et les bailleurs sociaux. Parallèlement, c'est un puissant outil de lutte contre l'habitat indigne.

 

B: Le territoire d'Est Ensemble est souvent cité en exemple sur son modèle de lutte contre l'habitat indigne, en quoi est-il singulier ?

GCCela est propre au territoire de la Seine-Saint-Denis avec des élus militants qui ne sont pas des notables et se battent pour celles et ceux qui vivent sur le territoire. Un autre atout majeur, est que nous avons la chance d'avoir une ingénierie remarquable, qui crée des relations d'intelligence avec les partenaires nationaux.

B: Pour autant, votre territoire concentre de plus en plus les inquiétudes autour de la gentrification et d'évictions de populations…

GC: Nous avons effectivement acté qu'Est Ensemble était un territoire de gentrification, mais nous devons continuer de dire que nous sommes aussi une terre d'accueil, et que nous continuerons de maintenir celles et ceux qui ont su faire la richesse de ce territoire. C'est un combat politique, avec des oppositions frontales. Une association me demande la création d'espaces verts sur 5.000 m² tandis que j'ai 1.400 demandeurs de logement, et j'estime qu'on ne peut pas opposer la question environnementale à la question sociale, nous devons le porter et nous le faisons. Puisque nous allons vers une nouvelle décennie, un des enjeux pour l'avenir sera de nous mettre au combat pour la Métropole du Grand Paris. Sur les 19 quartiers politiques de la ville de notre territoire, nous avons à reconstituer 60% de logements en PLAI, quand, dans le même temps, 52 villes du périmètre métropolitain restent carencées au titre de la loi SRU.

 

B:A l'échelle des dix ans d'Est Ensemble, la création et la mise en route de la Métropole du Grand Paris a plutôt accéléré ou freiné la cadence de développement du territoire ?

 

GC:Dès que nous abordons des sujets consensuels, nous parvenons à additionner les compétences. Mais tant que la métropole ne s'engagera pas sur le chemin de la solidarité, nous n'y arriverons pas. Sur des sujets aussi importants que le Plan métropolitain de l'habitat et de l'hébergement, le budget, le Schéma de cohérence territorial (Scot), nous n'arrivons à dépasser les clivages. Nous sommes arrivés à point où la Métropole, qui devait être un outil de rééquilibrage territorial, fait beaucoup de saupoudrage. A ce jour, la ville de Paris est un atout considérable car elle a développé des politiques contractuelles, sur le mode projet. A mon sens, on n'emmènera pas Est Ensemble vers le progrès sans le moteur de la ville de Paris.

Qu'espérez-vous de ces dix prochaines années pour Est Ensemble ?

GCDix ans est un jeune âge, mais cela marque aussi le départ de la vie. Nous sommes aujourd'hui une collectivité capable d'absorber de nouvelles compétences, d'aller plus loin en bonne intelligence sur ce territoire riche, avec une ingénierie qui est capable de faire travailler ensemble des gens aux parcours politiques différents.

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