Dès son érection en 1902 le "Flatiron" (littéralement le "Fer à repasser") est devenu un véritable monument new-yorkais. Coup de projecteur sur ce morceau d'histoire qui célèbre son centième anniversaire cette année.

Le 27 novembre 1900, le New York Times annonce l'édification, sur cette parcelle à l'inhabituelle forme triangulaire au coin de Broadway et de la 23ème rue, d'un "immeuble de bureaux moderne".

Les progrès de l'automatisme avaient permis, dès 1870, de construire à Manhattan le premier bâtiment professionnel doté d'un ascenceur: l'Equitable Building ne s'élevait toutefois qu'à quarante mètres de hauteur.

Trente ans plus tard, grâce notamment aux avancées techniques dans la sidérurgie, les ingénieurs américains inventent la carcasse d'acier: les murs n'ont plus besoin d'être porteurs et les immeubles prennent de l'altitude.

"Ne faites pas de petits plans: ils ne peuvent soulever l'enthousiasme", professe l'architecte Daniel Burnham, choisi par le promoteur George Fuller. Pour transformer en atout l'étrange forme triangulaire de la parcelle, il en épouse au plus près les contours et crée le "Flatiron": 21 étages (85 mètres) recouverts de pierre blanche, en forme de proue de navire fendant les eaux de la place Madison. Sur les deux côtés, des renflements donnent l'illusion d'ondulations.

C'est le premier immeuble à dépasser (d'un mètre !) la flèche de l'église Trinity, jusqu'alors point culminant de Manhattan. Son squelette de 3.680 tonnes sort des fonderies d'American Bridge, une entreprise qui, ayant commencé par fabriquer des ponts métalliques, réalisera plus tard l'ossature des trois autres fameux gratte-ciel new-yorkais: le Woolworth Building (1913), le Chrysler Building (1930) et l'Empire State Building (1931).

Le succès est immédiat: "Le Flatiron est aux Etats-Unis ce que le Parthénon est à la Grèce", s'exclame un fameux photographe de l'époque, Alfred Stieglitz, à qui l'on doit les premiers clichés vite transformés en cartes postales.

La revue "Architectural Record" assure, alors que les échaffaudages sont encore en place, que le "Fer à repasser" constitue "la chose la plus remarquable à New York, attirant davantage l'attention que tous les autres bâtiments en voie d'édification réunis".

Dès la fin des années 20, il devient une destination touristique. Avant l'ère des climatiseurs, le "Flatiron Restaurant", qui occupe le dernier étage, se vante d'être "la salle à manger la plus fraîche et la mieux ventilée de la ville". Ses locaux sont aujourd'hui occupés par l'éditeur allemand Springer Verlag.

L'illustrateur Dan Grosbeck réalise en 1920, pour la couverture d'un recueil de nouvelles, un dessin art-déco dans lequel le Flatiron figure la proue d'un transatlantique voguant dans les eaux d'un New York figuré en moderne Venise.

Un bémol dans ce concert de louanges: des esprits chagrins l'accusent, par sa forme et son immensité, de modifier la circulation de l'air sur la place, créant des tourbillons prompts à soulever les jupes des dames.

Jusqu'au 1er septembre, une exposition, intitulée "Centenaire d'un symbole new-yorkais", présente dans une salle de la New York Historical Society, des plans, photographies, dessins, livres, imprimés, cartes postales, objets de vaisselle et souvenirs à la gloire du "Fer à repasser", qui reste un siècle plus tard l'un des points les plus photographiés de Manhattan.

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