INTERVIEW. Très mécontent que la Fédération des OPH (Offices publics de l'habitat) n'ait pas été sollicitée "en tant que telle" pour participer à la concertation sur la création d'un Revenu universel d'activité (RUA), qui pourrait englober les APL, Marcel Rogemont, son président, a répondu aux questions de Batiactu.

Batiactu : Où en est la concertation sur le Revenu universel d'activité, qui concerne les organismes HLM, puisque le gouvernement envisage d'y fondre les Aides personnelles au logement (APL)?

 

Marcel Rogemont : La vérité est que nous ne savons pas exactement où en est cette concertation. Nous attendions des conclusions à fin février, puisqu'un jury citoyen tiré au sort [et constitué de 15 membres, ndlr] devait se réunir en janvier. Je n'ai pas vu de conclusions. On a l'impression que le gouvernement veut gagner du temps. Cette question est pourtant fondamentale pour les organismes HLM car 55 à 60% des locataires du parc social touchent les APL, et nous craignions qu'elles soient intégrées au RUA.

 

Batiactu : Quelles seraient les conséquences pour les OPH d'une telle intégration ?

M.R. : Nous craignons une baisse généralisée des aides au logement si elles étaient intégrées au RUA, qui devait être, à la base, une fusion des minimas sociaux. Nous sommes tout-à-fait favorables à ce que tous ces minimas soient fusionnés ; mais les APL n'ont rien à voir. Elles sont issues des cotisations sociales de la branche famille, et touchent de nombreuses personnes en activité.

 

Les APL dans le RUA, c'est leur mort annoncée. La fusion des neuf minimas sociaux représenterait une quinzaine de milliards d'euros (15,4 milliards en 2014). Si on y ajoute, comme c'est envisagé, les APL et l'allocation adulte handicapé (AAH), nous sommes à 48 ou 49 milliards d'euros. Le gouvernement a dit que la réforme se ferait à enveloppe constante. Or le non-recours aux minimas sociaux est important, de l'ordre de 30% pour le RSA, par exemple. Mais il n'y a pratiquement pas de non-recours aux APL. J'en déduis mécaniquement qu'à enveloppe constante, ce sont les allocataires APL salariés gagnant peu d'argent qui seront perdants.

Batiactu : Ce n'est pas la première décision gouvernementale affectant les APL...

M.R. : Je constate que les décisions du gouvernement se succèdent depuis 2017 et tapent sur les APL. La Réduction de loyer de solidarité (RLS), rappelons-le, c'est 820 millions d'euros en 2018, 950 millions en 2019 et désormais 1,3 milliard par an de baisse d'APL, compensée en baisse de loyer par les bailleurs sociaux. Au final, ce sont les locataires qui en pâtissent : les organismes voient leurs recettes baisser et coupent dans leurs dépenses d'entretien, de rénovation, de construction. Bilan de l'opération pour l'État : plus de 3 milliards d'économies budgétaires aux dépens de nos concitoyens aux revenus modestes.

Batiactu : Quelles sont les conséquences sur l'investissement des bailleurs sociaux ?

M.R. : L'arbitrage est simple : réduire la réhabilitation ou réduire la construction neuve. Je peux vous donner les chiffres de la Bretagne, d'où je viens, qui sont édifiants : alors qu'en 2018 nous construisions, tous bailleurs confondus, 4.500 logements par an, nous en prévoyons 3.800 pour 2020.

 

La situation touche plus les offices publics que les ESH [Entreprises sociales pour l'habitat, à capitaux privés], car notre patrimoine est beaucoup plus ancien, donc nous avons beaucoup plus de logement touchés par des opérations Anru. Notre capacité d'investissement est donc moindre que celle des ESH. Sans compter que certaines ESH, notamment celles rattachées à Action Logement, ont des disponibilités financières que n'ont pas les autres.

actionclactionfp