AUDITION. Ce mercredi 30 janvier, la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat recevait l'animateur Stéphane Bern pour faire un point d'étape avec lui sur l'avancée de la Mission Patrimoine. Le journaliste a notamment remercié les sénateurs pour leur implication dans ce dossier. Extraits.

Les défenseurs de l'Histoire de France et de son patrimoine ne vont pas baisser les bras. C'est le message qui a été porté durant l'audition, ce mercredi 30 janvier, de Stéphane Bern par la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat. Les parlementaires de la Haute assemblée ont effectivement tenu à faire un point d'étape avec l'animateur sur l'avancée de sa Mission Patrimoine, qu'Emmanuel Macron lui a confié en 2017. Pour rappel, ce projet ambitionne de collecter, notamment via des jeux de loterie, des sommes destinées à entretenir et rénover des sites et monuments historiques en péril aux quatre coins de l'Hexagone.

 

 

Stéphane Bern a commencé par remercier les sénateurs pour le rôle qu'ils sont amenés à jouer dans la défense des intérêts des collectivités : "Je n'ai rencontré au Sénat que des personnalités qui voulaient soutenir le patrimoine et qui ont voté en conséquence [...] et je sais que vous avez beaucoup soutenu, encore récemment avec l'exonération des taxes pour ce loto exceptionnel du patrimoine, et j'aimerai vous en remercier chaleureusement. Je pense que les lignes vont bouger, vont continuer à bouger. Vous avez remarqué que je ne me laissais pas facilement circonvenir, que je remontais au combat. [...] Dans vos régions respectives, vous faites beaucoup pour le patrimoine, et je crois que c'est très important dans une assemblée qui a un ancrage territorial très important, de rappeler une chose qui a guidé tout au long de cette année ma mission : c'est de dire que le patrimoine, c'est évidemment de l'identité sereine, qui n'est pas hystérisée ; c'est vecteur également de développement économique ; c'est de la culture à portée de main, accessible à tous ; c'est de la convivialité aussi dans la ruralité."

 

Un discours qui résonne avec l'actualité : pour le journaliste, la révolte sociale des Gilets jaunes et les revendications exprimées par le biais de ce mouvement dans les domaines de l'aménagement du territoire et de la justice fiscale sont à mettre en corrélation avec la situation préoccupante des vestiges historiques. "C'est la thèse que j'ai soutenu devant le chef de l'Etat en lui expliquant il y a un an et demi de cela - aujourd'hui ça rebondit dans l'actualité -, qu'aujourd'hui il y a un vrai décalage entre ce qui est décidé à Paris et cette ruralité qui se sent abandonnée par la capitale", poursuit Stéphane Bern. "L'exemple qui me revient le plus à l'esprit, et pardon pour ceux qui défendent le Grand Palais - je pense qu'il faut faire des travaux sur le Grand Palais -, mais quand vous entendez qu'on est à 522 millions d'euros de dépensés sur le Grand Palais, et qu'on me demande d'aller sur les routes de France pour trouver 20 millions d'euros pour les églises, les bras m'en tombent. Au bout d'un moment, c'est le tonneau des Danaïdes, j'essaye d'écoper un bateau qui prend l'eau avec une cuillère à soupe. Et c'est mal ressenti dans les territoires."

 

"Quand vous entendez qu'on est à 522 millions d'euros de dépensés sur le Grand Palais, et qu'on me demande d'aller sur les routes de France pour trouver 20 millions d'euros pour les églises, les bras m'en tombent. Au bout d'un moment, c'est le tonneau des Danaïdes, j'essaye d'écoper un bateau qui prend l'eau avec une cuillère à soupe. Et c'est mal ressenti dans les territoires."

 

L'animateur de l'émission "Secrets d'histoire" peut déjà tirer des enseignements de la mission que lui a confiée le président de la République. Le premier d'entre eux concerne la lourdeur de l'administration et la complexité procédurale, serpents de mer de la vie quotidienne française : "L'ingénierie administrative fait parfois défaut aux maires des petites communes : c'est compliqué pour un maire d'une commune de 100, 200, 300 habitants d'avoir cette ingénierie qui lui permet de présenter des dossiers de demande de subventions ; ça prend du temps, c'est complexe. C'est la raison pour laquelle on a eu l'idée avec la Fondation du Patrimoine d'une plateforme participative toute simple."

 

Près de 2.000 signalements de sites historiques en péril ont été enregistrés sur cette plateforme, et 269 ont au final été sélectionnés pour toucher des aides. Devant la commission, l'animateur a notamment insisté sur les propriétaires défaillants, qui refusent de payer pour effectuer des travaux ou qui sont embourbés dans des litiges judiciaires. S'agissant des financements, Stéphane Bern a d'ailleurs rebondi sur l'actualité parlementaire : "J'ai vu qu'une mission flash avait été commanditée à l'Assemblée nationale et a produit cette semaine ses résultats : on nous demande maintenant de donner un peu moins aux collectivités territoriales et un peu plus aux propriétaires privés, ce qui ne manque pas de sel."

 

"L'ingénierie administrative fait parfois défaut aux maires des petites communes : c'est compliqué pour un maire d'une commune de 100, 200, 300 habitants d'avoir cette ingénierie qui lui permet de présenter des dossiers de demande de subventions ; ça prend du temps, c'est complexe."

 

Insistant sur la diversité et la variété des catégories de monuments à préserver, le journaliste a par ailleurs décrit les étapes de sa mission, avec notamment la sélection des dossiers qui ont ensuite été "soumis au tamis" des Drac [Directions régionales des affaires culturelles] et du ministère de la Culture : "Je vis dans la transparence : c'est vrai qu'au début ça a été difficile, parce que les Drac ont peut-être vécu ça comme une intervention intempestive de ma part, de vouloir me substituer à la puissance publique. Je venais avec mes gros sabots, certainement avec les maladresses dues au fait que je n'ai pas les codes de la haute administration ni les us de la politique, évidemment."

 

Et de poursuivre : "Appartenant à la société civile, faisant tout avec mes tripes et mon coeur et, je le précise, en étant entièrement bénévole : tous mes déplacements sont à mes frais. Les Drac ont donc fait de la rétention de dossiers dans un premiers temps. J'ai un peu secoué le cocotier et puis les choses se sont un peu détendues et, en fait, on a découvert - c'est un dysfonctionnement de notre système -, qu'il y a énormément de monuments qui étaient passés sous le radar des ABF [Architectes des bâtiments de France], à qui on a en plus voulu rogner les griffes à cause de la loi Elan. [...] C'est très inquiétant, de voir que beaucoup de monuments n'apparaissent pas dans les rapports. Je pense que c'est lié aux problèmes d'ingénierie administrative des petites communes : au travers d'AMO, on les aiderait davantage à faire tous ces lourds dossiers."

 

"On a découvert - c'est un dysfonctionnement de notre système -, qu'il y a énormément de monuments qui étaient passés sous le radar des ABF [Architectes des bâtiments de France], à qui on a en plus voulu rogner les griffes à cause de la loi Elan. C'est très inquiétant, de voir que beaucoup de monuments n'apparaissent pas dans les rapports. Je pense que c'est lié aux problèmes d'ingénierie administrative des petites communes : au travers d'AMO, on les aiderait davantage à faire tous ces lourds dossiers."

 

 

Si la Mission Patrimoine de Stéphane Bern a encore du pain sur la planche, l'animateur, lui, a visiblement déjà des comptes à régler.

 

L'audition de Stéphane Bern devant la commission de la culture, de l'éducation et de la communication du Sénat peut être visionnée ici : http://videos.senat.fr/video.1006741_5c4f9118506a7.mission-sur-le-patrimoine---audition-de-m-stephane-bern

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