LÉGISLATIF. Dépositaires d'une proposition de loi, les députés communistes à l'Assemblée nationale veulent concrétiser la résorption de "60.000 logements indignes" par an en dix ans. Pour y parvenir, de nouvelles sources de financement, et un jeu d'acteurs plus concentrés dans lequel l'Etat jouerait le rôle de "garant".

La lutte contre l'habitat indigne est désormais l'objet de propositions de loi dans les deux chambres parlementaires. Dans le sillage du sénateur (LR) Bruno Gilles, le député de Seine-Saint-Denis Stéphane Peu a présenté lundi, la proposition de loi du groupe Gauche démocrate et républicaine "visant à renforcer la lutte contre le logement indigne".

 

Se disant prêt à se rallier au projet déposé au Sénat dans le cas où il n'aurait pas l'approbation de la chambre basse, le communiste Stéphane Peu est à l'initiative d'un texte moins porté sur le durcissement des dispositifs existants, que sur de nouvelles sources de financement pour la résorption de l'habitat indigne.

 

Les députés communistes et sénateurs Les Républicains s'accordent toutefois sur une trop grande dispersion des acteurs dédiés à la résorption des logements indignes. Le premier article des six mesures du texte législatif préconise ainsi "le transfert d'une compétence unifiée de la lutte contre l'habitat indigne", en attribuant à l'Etat une fonction de "garant".

 

En disant "clarifier les responsabilités", le texte de loi tente de palier les "temps morts" de la lutte contre l'habitat indigne. Notamment sur la question du relogement, patate chaude que se refilent propriétaires, collectivités et Etat.

 

Stopper un "effet ping pong"

 

L'idée d'un "conventionnement obligatoire" entre le ministère et les collectivités est également mentionnée, et aurait pour but de "simplifier le jeu des acteurs" et de mettre fin à "l'effet ping pong" des responsabilités. La proposition de loi ne précise pas la composition de ce "noyau dur", mais place les départements, les communes et les EPCI comme "échelons territoriaux pertinents.

 

Les collectivités territoriales pourraient également se voir attribuer une compétence de relogement, se substituant au propriétaire lorsqu'il se montre défaillant à l'issue d'un arrêté de péril imminent. A ce jour, les collectivités peuvent déjà être amenées à reloger les locataires d'un logement indigne en les orientant par exemple sur leur parc social. Mais pour Stéphane Peu, il est surtout question "d'éviter les tergiversations trop souvent observées".

 

En écho au "plan national ambitieux" que la Fondation Abbé Pierre avait appelé de ses vœux en janvier dernier, le texte de législatif inscrit l'objectif de rénovation de 60.000 logements indignes au cours des dix prochaines années. L'auteur Stéphane Peu propose pour cela de puiser dans des recettes fiscales existantes ou ayant existé, à l'exemple de la contribution annuelle sur les revenus locatifs (CRL) dont il réclame le rétablissement. L'article 2bis propose par ailleurs "que la moitié des recettes générées par l'impôt sur la fortune immobilière soit reversée à l'Anah", en tant que pilote de la rénovation des logements indignes.

 

Refonte du calcul des indemnités d'expropriation

 

S'il est prévu que les collectivités se substituent de facto à un propriétaire défaillant, la proposition de loi tente de leur apporter un nouveau bouclier juridique, notamment dans les cas d'expropriation. Véritable phobie des élus, qui craignent d'avoir à débourser une fortune à un propriétaire indélicat, l'expropriation est modifiée par le texte de loi.

 

L'article 4 préconise notamment de "modifier le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique" qui ajouterait à la liste tout immeuble soumis à une interdiction d'habiter, suite à des désordres que le propriétaire n'aurait pas résolu. Une refonte du calcul des indemnités d'expropriation est également mise sur la table.

 

En filigrane, il s'agit de ne plus revivre le scénario de l'immeuble de la rue Marx Dormoy, dont le propriétaire, condamné pour des faits d'hébergement indigne, avait dû verser une amende de 500.000 euros mais s'était vu créditer 6,7 millions d'euros d'indemnités d'expropriation.

 

Le texte de loi des députés communistes propose d'évaluer la valeur d'un bien en fonction du terrain nu, qui serait plafonnée par un décret en Conseil d'Etat. De cette base, qui permet habituellement de fixer les indemnités, seront déduits "les frais entraînés par la démolition de l'immeuble", et "le montant des revenus locatifs éventuellement perçus par le propriétaire" depuis la publication des arrêtés de péril ou d'insalubrité.

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