Alors que le monopole de distribution du Livret A par les Caisses d'Epargne et la Banque Postale est menacé par Bruxelles, les défenseurs du statu quo affirment que le financement du logement social serait fragilisé si d'autres établissements étaient autorisés à le proposer.

Le ministère français des Finances, qui affirme que l'exclusivité dont jouissent les deux réseaux «n'est pas contraire aux règles communautaires», a jusqu'au 1er octobre pour présenter ses arguments.

«Nous pouvons prouver aux autorités européennes (...) qu'on ne saurait sans risque grave pour l'intérêt général bouleverser l'économie» du Livret A, a déclaré mardi Nicolas Mérindol, membre du directoire de la Caisse nationale des Caisses d'Epargne lors du Congrès de l'Union sociale pour l'Habitat à Bordeaux.

La Commission européenne a engagé en juillet une procédure d'infraction contre les autorités françaises au sujet du Livret A. Elle leur demande de justifier les «droits spéciaux» de la Banque Postale et des Caisses d'Epargne, jugés «contraires à la liberté d'établissement et à la libre prestation des services».

Le système actuel n'empêche pas les autres produits financiers de se développer, affirment ses défenseurs, soulignant qu'il existe d'autres placements défiscalisés comme le Livret d'épargne populaire (LEP) et le Codevi.

Plusieurs banques françaises, menées par le Crédit Agricole, bataillent depuis un an pour obtenir que toutes les banques puissent distribuer le Livret A. Elles font valoir que cela permettrait d'élargir l'assiette de collecte et de générer plus de financement pour le logement social.

Mais avec 46 millions de porteurs, le marché atteint déjà «un seuil de saturation bien plus élevé que sur» le LEP et le Codevi, rétorque Nicolas Mérindol.

Les banques vont plus loin et se disent prêtes à ne percevoir qu'une commission de 0,8% là où l'Ecureuil et la Banque Postale touchent respectivement 1% et 1,3%. Elles affirment qu'elles feraient ainsi profiter le logement social d'une économie de 500 millions d'euros sur la base de l'encours actuel (environ 110 milliards d'euros).

«Si on a ce coût de collecte, c'est parce que l'on gère aussi bien des Livret A avec de très gros encours que des Livret A avec de petits encours», se justifie un responsable d'une des deux banques.

A la Banque Postale, les 12 millions de «petits livrets», avec un encours de moins de 150 euros, occasionnent la moitié des coûts de gestion du Livret A, alors qu'ils ne représentent que 0,7% des encours. Aux Caisses d'Epargne, ces petits livrets ne représentent que 5% des encours mais 78% des opérations.

Défendant la «stabilité» actuelle du financement du logement social, le président de l'USH Michel Delebarre se prononce contre «le risque de la banalisation de la collecte».

Autre argument avancé par les défenseurs du statu quo: si les autres banques commerciales pouvaient commercialiser le Livret A, mais avec la possibilité de rejeter les petits épargnants, la vocation sociale de ce placement en pâtirait.

Le Livret A est «un instrument majeur de lutte contre l'exclusion bancaire», car des milliers de personnes l'utilisent comme un compte courant ordinaire, a expliqué à l'AFP Patrick Werner, le président du directoire de la Banque Postale.

La Caisse des Dépôts, qui centralise et gère les fonds de ce livret, se demande si le «véritable enjeu pour les banques commerciales» n'est pas «d'affaiblir» leurs deux concurrents en captant une partie de leur clientèle, sachant que le Livret A ne représente plus que 4% de l'épargne des ménages, contre plus de 20% voici 25 ans.







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