Le débat est ouvert sur l'opportunité de reconstruire La Nouvelle-Orléans, l'une des villes les plus chargées d'histoire des Etats-Unis, victime d'une géographie qui la rend très vulnérable aux caprices de la nature et presque entièrement submergée après le passage du cyclone Katrina.

Le président de la Chambre des représentants, le républicain Dennis Hastert, a mis les pieds dans le plat quand une gazette locale lui a demandé si cela valait la peine d'engloutir des milliards de dollars dans la reconstruction d'une ville largement sous le niveau de la mer.
«Ca n'a pas de sens», a répondu M. Hastert, «et on devra s'interroger». «On construit Los Angeles et San Francisco sur des failles sismique, et on reconstruit. C'est de l'entêtement», a-t-il ajouté.

Ces commentaires ont immédiatement provoqué l'indignation en Louisiane et M. Hastert s'est empressé de les nuancer. «Je ne demande pas que la ville soit abandonnée ou déplacée. Quand j'ai parlé de la reconstruction de la ville, cela reflétait ma sincère préoccupation quant à la sécurité des citoyens», a-t-il affirmé.
Le président américain George W. Bush a fait vendredi la promesse que «la grande ville de La Nouvelle-Orléans va renaître». «C'est ce qui va se passer», a-t-il assuré à Mobile (Alabama).
«Nous allons trouver quelqu'un qui s'y connaît en reconstruction de ville (..) j'appellerai les meilleurs experts, à commencer par les gens de la Nouvelle-Orléans, et je consulterai les locaux», a-t-il ensuite promis lors d'un arrêt à Biloxi (Mississippi).
«Déplacer la ville, clairement, reste une option», estime pourtant un ancien responsable des situations de crise, John Copenhaver, qui avait géré en 1999 les suites du cyclone Floyd dans le sud-est des Etats-Unis.
«Il faut vraiment se poser la question: à quel point faut-il reconstruire La Nouvelle-Orléans vu les conditions difficiles'», convient John Rennie, rédacteur en chef du magazine Scientific American interrogé par l'AFP.
Une grande partie de la ville, fondée en 1718 par des Français, est en effet située sous le niveau de la mer, coincée entre le Mississippi, proche de son embouchure, et le Lac Pontchartrain. Ce site en cuvette est entouré de digues, dont plusieurs ont cédé sous la pression du cyclone Katrina, provoquant des inondations qui ont submergé quelque 80% de la ville.
Mais déplacer une agglomération de 1,4 million d'habitants n'est guère facile et surtout La Nouvelle-Orléans, berceau du jazz et haut-lieu du carnaval de Mardi-Gras. Elle est un élément trop riche du patrimoine américain pour être sacrifié: son quartier français est une des principales destinations touristiques du pays, et le «garden district», composé d'élégantes maisons coloniales le long du Mississippi, est un joyau de l'architecture d'avant la guerre de Sécession.
Ces deux quartiers semblent avoir mieux résisté que d'autres aux sinistres.
«Même (M. Hastert) s'est rendu compte de l'impossibilité politique de déplacer plutôt que reconstruire», s'amuse David Schulz, urbaniste à l'université NorthWestern.
«Mais nous ne pouvons pas remettre la ville dans l'état où elle était samedi», à la veille du cyclone, estime cet expert interrogé par l'AFP.
Au-delà de l'édification d'un système de digues plus efficace, M. Schulz propose de faire table rase des quartiers les plus détruits, dont les modestes constructions en bois sont irrécupérables.
«Cela n'a pas de sens de reconstruire maison par maison, pâté de maison par pâté de maison, comme on le fait habituellement», estime-t-il.
«En un sens, c'est une occasion passionnante de redresser cette ville si pauvre et misérable, il faut saisir la chance que lui offre le cyclone pour se refaire», estime M. Schulz, qui plaide pour un remblaiement, un plan radicalement remanié et «la chance de faire débarquer une économie du XXIe siècle» dans la ville.

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