Icône jusqu'à fin 2001 du patron médiatique et fin stratège capable de concurrencer les Américains sur leur propre sol, le Pdg de Vivendi Universal Jean-Marie Messier a été déchu en l'espace de seulement six mois pour s'être mis à dos à peu près tout le monde. Jean-René Fourtou, l'ex-président de Rhône-Poulenc devrait prendre sa succession.

Après les marchés financiers et les petits porteurs affolés par la chute du titre en bourse, après les milieux artistiques heurtés par l'enterrement hâtif de "l'exception culturelle", après les élus français soucieux de l'approvisionnement en eau de leurs communes, ce sont les grands patrons hexagonaux qui ont porté le coup de grâce à leur pair, de plus en plus inquiets des conséquences pour le capitalisme français de la fuite en avant de Vivendi Universal.

Les administrateurs français du groupe de communication, en tête desquels le Pdg de Schneider Henri Lachmann et l'ex-patron de l'UAP Jacques Friedmann, ont lâché ce week-end M. Messier, a indiqué à l'AFP une source proche du dossier, ce qui rendait lundi son départ imminent.

Avant eux, Claude Bébéar avait publiquement mis en cause sa stratégie, tandis que cinq membres du conseil d'administration en avaient démissionné, dont le patron de LVMH Bernard Arnault.

Même l'Elysée, selon le quotidien Libération, avait fini par s'irriter de Jean-Marie Messier, balladurien et homme fort des privatisations de 1986 à 1988, qui se serait entiché plus tard du socialiste Lionel Jospin jusqu'à parier sur son élection à la présidence de la République.

Fin 2001, tout semblait pourtant réussir à ce polytechnicien et énarque, qui suscitait l'admiration pour avoir fait de la vénérable Générale des eaux le numéro deux mondial des médias, prêt à ravir la première place du secteur à l'Américain AOL-Time Warner.

Le 17 décembre dernier, tel un cadeau d'anniversaire quatre jours après ses 45 ans, "J2M" s'offrait le réseau de télévisions USA Network, parachevant ainsi l'implantation de VU aux Etats-Unis, après le rachat des studios de cinéma Universal et son déménagement dans un appartement new yorkais de Park Avenue, acquis pour la coquette somme de 17,5 millions de dollars.

Un vaste plan de communication visait alors à donner de lui une image moderne et décontractée, alors qu'il menait son groupe de façon autoritaire.

Raillant son côté mégalomane, les Guignols l'avaient surnommé "J6M", pour "Jean-Marie Messier moi-même maître du monde", un sobriquet récupéré par le Pdg, en parfait communicant, pour le titre de son livre "J6M.com". Le magazine américain Time avait même renchéri en le proclamant "Maître de l'univers".
Mais ce même 17 décembre 2001 marquait le début de la chute du nouveau "mogul" des médias, aveuglé par l'internet et les paillettes d'Hollywood.

Sa proclamation que "l'exception culturelle franco-française est morte" suscite alors un tollé, qu'il ne contribue pas à apaiser en virant brutalement le 16 avril Pierre Lescure de la présidence de Canal+, cinq jours seulement avant le premier tour de l'élection présidentielle.

Entre ces deux dates, Jean-Marie Messier a multiplié les erreurs, de l'annonce que son groupe va "mieux que bien", le jour où il affiche une perte de 13,6 milliards d'euros, à ses revirements incessants sur l'avenir de la filiale Vivendi Environnement, en passant par son train de vie mirifique et l'opacité persistante sur les comptes de VU.

Plutôt que de se contenter de bâtir un groupe mondial des services et un leader européen des médias, Jean-Marie Messier est parti à la conquête de l'Ouest. Lundi, seules les conditions, notamment financières, de son départ semblaient être en discussion.

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