La flambée continue des prix de l'immobilier britannique pourrait constituer un frein à l'adhésion de la Grande-Bretagne à la zone euro, amenuisant les chances de convergence entre les deux économies.

Le secteur de l'immobilier ne constitue pas en tant que tel un des cinq critères économiques définis en 1997 par Londres pour adopter la monnaie unique. Mais il est bien loin d'être ignoré dans l'évaluation du gouvernement britannique.
Si la Grande-Bretagne perdait le contrôle de ses taux d'intérêts, une fluctuation des prix du logement pourrait provoquer des déséquilibres économiques, s'inquiète le gouvernement.

"L'impact qu'a le marché immobilier sur la stabilité macro-économique, serait plus conséquent si la Grande-Bretagne venait à rejoindre l'Union économique et monétaire", prévenait, début avril, le ministre britannique des Finances Gordon Brown au cours de la présentation de son budget 2003/04.

Des propos réitérés plus récemment dans une étude du Trésor intitulée "Immobilier, Consommation et Union économique et monétaire", remise aux ministres du cabinet (gouvernement restreint) et dont les conclusions ont été partiellement dévoilées par le Sunday Times.

Selon le document --qui fait partie du volumineux dossier de 2.000 pages destiné à analyser une adhésion à l'euro--, rejoindre la zone euro accentuerait le boom de l'immobilier britannique dont les prix ont progressé en 2002 de près de 30%.

"La Grande-Bretagne a déjà un marché immobilier plus volatil que ceux des autres pays européens. Cette volatilité augmenterait avec une adhésion à la monnaie unique et la perte de contrôle des taux d'intérêts" concluerait cette étude.

En rejoignant la zone euro, la Grande-Bretagne se soumettrait en effet aux décisions de politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE) qui en essayant de satisfaire la majorité de ses membres, n'adopterait pas forcément des taux d'intérêt adaptés à l'économie britannique.
Ainsi, sur les six derniers mois, la BCE a abaissé son taux directeur de 75 points de base (50 points en décembre et 25 points en mars) contre seulement 25 points (en février) pour la Banque d'Angleterre (BoE).

Une détente monétaire en Grande-Bretagne à l'échelle de celle de la BCE aurait eu pour conséquence de gonfler davantage la bulle immobilière et de creuser l'endettement des ménages qui auraient profité de la faiblesse des taux pour acquérir leur résidence. L'immobilier reste l'investissement favori des Britanniques.

Le secteur immobilier a obligé la Banque d'Angleterre à ne pas s'aligner sur la politique monétaire de la zone euro, devenant ainsi "le moteur clef d'un décrochage" entre le cycle de l'économie britannique et celui de ses voisins européens, jugent les économistes du cabinet d'audit et de conseil PricewaterhouseCoopers.

En conséquence, concluent ces experts, la convergence entre les deux économies devrait être moins forte en 2003 qu'en 2002. Ils tablent sur une croissance du Produit Intérieur Brut de la Grande-Bretagne au premier trimestre 2003 de 2,3% contre seulement 1% pour la zone euro.

Certes, les europhiles mettent en exergue la récente dépréciation de la livre sterling, qui lève un obstacle important à une éventuelle adhésion de la Grande-Bretagne à l'euro.
Mais deux obstacles majeurs, la flambée des prix de l'immobilier, conjuguée à des risques de récession en Europe continentale, plaident fortement en faveur d'un attentisme britannique qui pourrait l'emporter le 9 juin lorsque Londres annoncera son verdict sur l'euro.

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