RÉHABILITATION DE FRICHES. La députée de l'Isère, qui préside la mission d'information sur la réhabilitation des friches, fait part à Batiactu de quelques éléments de diagnostic et des pistes à explorer pour lever les freins à la réutilisation des espaces déjà artificialisés mais inutilisés.

Dans un contexte marqué par la rareté du foncier disponible tout aussi bien que par la lutte contre l'artificialisation des sols, la rénovation des friches industrielles présente un intérêt économique, mais aussi social et environnemental, important pour les territoires. Les pouvoirs publics estiment en effet entre 90.000 et 150.000 hectares la superficie occupée par les friches industrielles en France, ce qui constitue un vivier de foncier considérable qui peut être utilisé pour la construction d'équipements ou de logements sans empiéter sur les espaces naturels.

 

Marie-Noëlle Battistel préside la mission d'information parlementaire sur la revalorisation des friches industrielles, commerciales et administratives. La députée socialiste de l'Isère a entamé les auditions en mai dernier, et la mission qu'elle préside rendra ses conclusions à la fin de l'année. Elle livre à Batiactu ses premiers éléments de diagnostic.

 

Batiactu : Vous vous inscrivez dans un contexte où le sujet des friches est revenu sur le devant de la scène. Dans quel but avez-vous lancé cette mission d'information ?

 

Marie-Noëlle Battistel : La bonne nouvelle c'est que ça va bouger sur un sujet qui n'avance pas beaucoup. Nous avons lancé la mission avec les friches industrielles en tête, mais nous avons rapidement souhaité y ajouter les friches administratives et commerciales. Le problème est celui-ci : nous pensons que la réhabilitation des friches présente un intérêt économique pour les territoires, en plus de l'intérêt environnemental évident. Mais ceux-ci ne sont pas toujours accompagnés au mieux, et les aides ne sont pas optimisées.

 

Par ailleurs il n'existe pas de définition concrète de ce qu'est une friche industrielle. Cela pose problème à tous les acteurs. La question de leur recensement ensuite, pose problème, même si Cartofriche est un outil qui commence à fonctionner. Enfin, l'action publique est fragmentée, avec une multitude d'acteurs : établissements publics fonciers, régions, Ademe, banque des territoires, CDC, Etat, Action cœur de ville, fonds européens… Pour les aménageurs et promoteurs privés, l'impossibilité d'aller chercher dans un endroit unique les subventions rend les opérations quasiment impossibles. Beaucoup d'élus nous disent aussi, lors des auditions, qu'il manque un cadre, comme par exemple un guichet unique, qui permettrait de connaitre les moyens d'action et les subventions disponibles.

 

"Le fonds friches devra être pérennisé"

Le "fonds friches", évoqué depuis le printemps et incorporé dans le plan de relance, peut-il faire office de guichet unique? Ce type d'initiatives est-il positif ?

 

M.-N. B. : Tout ce qui peut apporter de l'argent à la reconversion des friches sera positif. Les élus sont confrontés au coût exorbitant de ce type d'opérations. Les 300 millions d'euros du fonds, ce n'est pas énorme mais c'est une bouffée d'oxygène. Il faudra en faire un fonds pérenne. En l'état ça ne permettra pas de résoudre le problème des milliers d'hectares de friches que nous avons dans le pays. Mais le fonctionnement par appel à projets a le mérite de rassembler les financeurs. Attention cependant, à correctement accompagner les collectivités dans la constitution des dossiers.

 

Que pensez-vous de la proposition de la convention citoyenne pour le climat d'interdire, sauf exception, toute artificialisation tant qu'il reste des friches dans la collectivité ?

 

M.-N. B. : Je partage l'objectif de ne pas artificialiser mais on ne peut pas être aussi radical : la question de la destination des bâtiments et de leur réversibilité se pose, et toute friche ne peut pas accueillir n'importe quel projet. Il ne faut pas bloquer les territoires avec une règle aussi stricte. Mais il faut une incitation forte pour que tout soit étudié avant qu'on donne l'autorisation d'artificialiser.

 

Nous n'en sommes pas encore au stade des préconisations, mais on peut imaginer un mécanisme de porter à connaissance auprès des services de l'Etat, des études faites montrant que les friches existantes ne sont pas adaptées au projet. Ce serait la condition d'obtention de l'autorisation.

 

Identifier très précisément les friches dans les documents d'urbanisme.

Vous avez auditionné les établissements publics d'aménagement et les établissements publics fonciers. Que vous ont-ils dit ?

 

M.-N. B. : Les établissements publics ont une ingénierie plus puissante. Ils sont a priori armés pour porter la réhabilitation de friches. Pourtant ils rencontrent des difficultés eux aussi. Ils demandent principalement que l'Etat leur dise très en amont que tel ou tel projet sur tel friche est impossible, plutôt que de l'apprendre au bout de deux ans d'études et de montages.

 

Une des pistes serait, dans le travail de recensement des friches, de les identifier très précisément dans les documents d'urbanisme, et de leur donner des destinations futures. En tout cas il faut pour chaque friche un premier état des lieux qui donne des orientations de réutilisation possible.

 

Quels sont les autres freins que vous avez d'ores et déjà identifiés ?

 

M.-N. B. : La temporalité en est un. L'instruction d'une demande concernant une friche prend beaucoup plus de temps que ce dont dispose une entreprise par exemple, qui voudrait s'installer. La complexité des marchés publics à passer en est un autre, entre les contraintes de dépollution, de patrimoine avec les ABF, d'archéologie… Tout est beaucoup plus complexe, systématiquement.

 

Quelques pistes ?

 

M.-N. B. : Des principes, déjà. Il faut valoriser le cout environnemental de l'artificialisation, pour rendre plus attractif le traitement des friches. On pourrait taxer l'artificialisation. Mais il faut qu'il y ait un fléchage des sommes perçues vers l'aide aux friches. Cela pourrait passer par une refonte de la taxe d'aménagement, qui va être discutée dans le cadre du projet de loi de finances pour 2021. Les potentialités existent. Chaque friche a sa particularité, il faut faire de la dentelle. Enfin, avant tout, il faut anticiper la reconversion des bâtiments, pour éviter la création de futures friches.

 

La taxe d'aménagement dans le PLF 2021
Trois adaptations de la taxe d'aménagement sont inclues dans le projet de loi de finances. Elles visent :
- à inciter les collectivités à des opérations de dépollution et de renaturation. La part départementale de la TA peut être fléchée vers des dépenses d'acquisition de terrains par le département, la commune, l'EPCI ou un opérateur en vue dépolluer ou de convertir en espace naturel, inque le texte ;
- à décourager à la construction de places de stationnement en extension urbaine et encourager les places en intégration verticale dans le bâti. Sont exonérées de la part communale ou intercommunale, département et régionale de la TA les places de stationnement intégrées dans un plan vertical au-dessus ou en-dessous du bâti. Elles sont aussi exonérées du versement pour sous-densité. En outre, il n'est plus permis aux communes et EPCI d'exonérer de taxe d'aménagement les places de stationnement en surface propre ;
- à favoriser les actions de renouvellement urbain. L'article introduit un élargissement des motifs de possibilité de hausse du taux de la part communale ou intercommunale de la taxe d'aménagement pour comprendre les cas où la réalisation de travaux substantiels de renouvellement ou de restructuration urbaines le justifient.
Ces mesures ne comportent pas d'indications de leurs impacts sur les ressources des collectivités et des établissement publics fonciers, qui sont abondées par la TA.

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