Plus résistants, mieux équipés, sans doute moins hauts : dans le monde de l'après 11 septembre, les gratte-ciel ne seront plus jamais construits de la même façon aux Etats-Unis. Plusieurs projets ont déjà été modifiés dans ce sens.

Comme le reste des Américains, architectes, ingénieurs, promoteurs et propriétaires ne pourront jamais chasser de leur mémoire les images des tours jumelles du World Trade Center s'effondrant. Ils ont commencé à en tirer les conséquences en modifiant les plans de projets en cours pour rendre les bâtiments plus solides et plus faciles à évacuer.

"Nous nous concentrons sur les méthodes qui peuvent permettre de renforcer un immeuble en cas de bombe dans la rue" explique Richard Tomasetti, vice-président du cabinet d'ingénieurs Thorton-Tomasetti, qui travaille actuellement à l'édification d'une tour de 47 étages à Times Square et sur six autres grands projets dans le pays.

"Nous étudions les possibilités de renforcer les structures ou modifier les plans afin que le bâtiment puisse résister dans une certaine mesure à l'impact d'un avion", ajoute-t-il.

"Mais que ce soit clair: nous n'allons pas construire des buildings capables d'encaisser le choc d'un 747 sans dommages. Nous pouvons le faire, mais il faudrait appeler cela une forteresse... Et personne ne veut vivre ou travailler dans une forteresse".

Dans la Times Square Tower, déjà bien avancée, d'épaisses plaques d'acier supplémentaires ont été soudées aux jointures des poutres d'acier, qui n'était auparavant que boulonnées, afin de solidifier la structure.

Sur Madison Avenue, non loin de la cible potentielle que constitue la gare de Grand Central, des mesures identiques ont été prises pour la Tour CIBC en cours de construction (35 étages), explique Philip Murray, ingénieur au sein du cabinet Gilsanz, Murray, Steficek, chargé de la structure métallique.

Des murs de béton ont remplacé des partitions plus légères dans les bas étages, les baies vitrées ont été traitées pour ne pas exploser et un système d'adduction d'eau supplémentaire pour les lances à incendies a été prévu.

"Avant le 11 septembre, si vous édifiez un bâtiment pour le gouvernement fédéral, vous deviez déjà vous conformer à des normes renforcées après l'attentat d'Oklahoma City" en 1995, ajoute M. Murray. "Maintenant, les propriétaires de bâtiments sortant de l'ordinaire veulent montrer à leurs locataires qu'ils ont fait quelque chose pour rendre le bâtiment plus résistant".

A Chicago, le promoteur new-yorkais Donald Trump avait présenté en juillet 2001 le projet du plus haut immeuble du monde, 120 étages. Il a revu sa copie et se contentera de 86, avec des escaliers de secours élargis. "Nous ne voulons plus dépasser la tour Sears" (110 étages) a confié M. Trump à la presse. A un journaliste qui lui demandait si c'était par crainte de devenir une cible, il a répondu: "Vous pouvez dire cela".

Les experts ont déterminé que c'est la chaleur dégagée par la combustion du kérozène, faisant fondre l'acier des poutres porteuses, davantage que la force des impacts des avions qui avait été responsable de l'effondrement des Twin Towers.

Instruction a donc été donnée ces derniers mois dans la plupart des chantiers d'augmenter l'épaisseur des revêtements isolants qui recouvrent les structures métalliques.

Les promoteurs de l'immense centre AOL Time Warner à Manhattan, en cours d'édification, ont également tiré les enseignements du 11 septembre: ils ont ordonné le renforcement des socles de béton dans lesquels sont enchassées les poutres maîtresses et la mise en place d'un système d'amplification de signal radio, afin de permettre un meilleur fonctionnement des talkie-walkies des secours le cas échéant.

De même, les plans du nouveau siège futuriste du New York Times qui va sortir de terre au printemps ont été modifiés pour incorporer des poutres plus épaisses et des structures renforcées entourant le squelette d'acier.

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