JUSTICE. La Fédération des promoteurs immobiliers d'Ile-de-France a annoncé le 16 décembre 2019 avoir saisi le procureur de la République, accusant un habitant des Hauts-de-Seine de "faits d'escroquerie et de tentative d'escroquerie", après avoir multiplié les recours contre une vingtaine d'opérations immobilières. Le délégué général de l'antenne francilienne de la FPI, Pierre Bibet, détaille ce dossier auprès de Batiactu.

A Asnières-sur-Seine, Courbevoie ou Boulogne-Billancourt, des chantiers ont été mis à l'arrêt par un recours, toujours signé du même nom: Vassili Perinet. Cet alto-séquanais serait à l'origine "de plus de vingt recours gracieux et contentieux à l'encontre de différents programmes immobiliers situés dans les Hauts-de-Seine", affirme la FPI Ile-de-France dans un communiqué.

 

Contacté par Batiactu, le délégué général de l'antenne francilienne de la FPI, Pierre Bibet, contextualise: "Nous avons vu arriver un peu avant l'été auprès de nos adhérents un sujet de recours assez généralisé (...) pour découvrir petit à petit que nous atteignions des sommets en termes de nombre de recours".

 

Après avoir saisi le Procureur de la République du Tribunal de grande instance de Nanterre le 12 décembre dernier, la FPI francilienne affirme que certaines municipalités, touchées par la recrudescence de recours, réfléchiraient elles aussi à lancer une procédure judiciaire contre Vassili Perinet.

 

1.500 logements au point mort

 

"Des promoteurs nationaux comme des TPE, PME franciliennes" seraient touchées, affirme Pierre Bibet, pour qui le chiffre d'une vingtaine de recours gracieux et contentieux "serait sous-estimé, certains promoteurs n'étant pas adhérents à la FPI Ile-de-France, tandis que d'autres sont déjà en plein contentieux avec le requérant". La fédération des promoteurs a mesuré un impact qui porterait sur la construction de "plus de 1.500 logements", soit 5% de la production annuelle de promoteurs franciliens.

 

Dans certains cas, le requérant serait parvenu à faire signer plusieurs protocoles transactionnels, face à des promoteurs réticents à se tourner vers la justice, "qui ont des exigences de temps et de budget pour leurs programmes, faisant qu'ils sont contraints de conclure ces accords", justifie le délégué général de la FPI Ile-de-France. Le fait que des modifications de projet n'aient jamais été exigées par le requérant a fini de mettre la puce à l'oreille des promoteurs plaignants.

 

Des avancées de la loi Elan pas assez saisies par les magistrats

 

En admettant que le caractère abusif de ces recours soit un jour qualifié par la justice, la loi Elan aurait dû justement endiguer l'hémorragie de recours abusifs. La loi logement du 23 novembre 2018 prévoit notamment un meilleur encadrement de "l'intérêt à agir des requérants", de limiter l'action d'associations créées en réaction à un projet, et de réduire les délais de traitement des recours par la justice administrative.

 

Des évolutions, qui, au regret de Pierre Bibet, ne trouvent "toujours pas de traduction concrète et pratique sur le terrain". "Dans le cadre de l'encadrement de l'intérêt à agir, le juge aurait pu rejeter par ordonnance, sans audience, le recours par irrecevabilité manifeste de son contenu", estime-t-il. Et Pierre Bibet de questionner: "on est face à une difficulté pour les juges de se saisir des avancées de la loi Elan, ou face à un échec des législateurs dans la lutte contre ces recours abusifs".

 

Droit de réponse de M. Vassili Perinet, parvenu à la rédaction
"Propriétaire de plusieurs biens immobilier dans le département des Hauts-de-Seine, j'ai effectivement déposé, en mon nom ou en qualité de représentant de ma société, plusieurs recours à l'encontre de permis de construire, entre les mois d'août 2018 et de décembre 2019.
Cette démarche était légitime et avait pour unique objet de prévenir toute atteinte à mon droit de propriété ou à celui de ma société. Le nombre de chantiers dans le département des Hauts-de-Seine, particulièrement dans certaines communes, est considérable et les nuisances afférentes sont indéniables.
Cette démarche ne peut aucunement s'apparenter à une procédure illégale ou abusive.
En premier lieu, le nombre de recours formés est, en effet, dérisoire par rapport au nombre de permis de construire déposés, chaque année au sein des Hauts-de-Seine. À titre illustratif, ma société ou moi-même avons été parties à 4 recours contentieux durant l'année 2018, alors que 1479 permis de construire ont été accordés, sur la même période, au sein de ce département (source : data.gouv.fr).
En second lieu, tous les recours formés visaient à contester des permis de construire de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de onze biens immobiliers, acquis entre 2011 et 2017 soit bien antérieurement aux permis de construire - conformément à l'article L600-1-2 du code de l'urbanisme. Tous les recours formés étaient, en outre, uniques et ont été rédigés de manière circonstanciée et spécifique à l'encontre de permis de construire qui, selon moi, violaient les règles d'urbanisme.
À la suite de ces recours, certains titulaires des permis de construire concernés m'ont approché afin d'indemniser le préjudice que je subissais en contrepartie de mon désistement au recours. En aucun cas je n'ai sollicité de leur part le versement d'une quelconque somme d'argent.
Lorsque les procédures n'ont pas pu être résolues amiablement, aucun des recours déposé n'a été jugé abusif par les juridictions administratives.
J'ai, en outre, reçu plusieurs courriers de soutien de la part de personnes dans le département des Hauts-de-Seine, qui me témoignent des pressions extérieures qu'ils subissent en vue d'obtenir leur désistement des recours qu'ils ont pu former à l'encontre de permis de construire.
Dans ces conditions, je conteste la plainte pénale infondée déposée à mon encontre par la Fédération des Promoteurs Immobiliers d'Île-de-France (FPI-IDF).
Au regard de la gravité des faits reprochés et des conséquences fortement préjudiciables qu'ont causé leur révélation et la divulgation de mes données personnelles ainsi que d'un portrait photographique - notamment la perte de mon emploi - je me réserve le droit de porter cette affaire devant les juridictions compétentes, et notamment de porter plainte pour diffamation, dénonciation calomnieuse et violation de la présomption d'innocence."

 

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