La Fédération nationale de l’immobilier (Fnaim) a rendu au gouvernement ses propositions pour intégrer le développement durable dans l’immobilier ancien, dans le cadre du Grenelle Environnement. Etat des lieux de la situation avec René Pallincourt, président de la Fnaim.

Batiactu : Les propriétaires et bailleurs sont-ils prêts à mettre en place les mesures pour le développement durable ?
René Pallincourt : Je répondrai par un grand non ! D’abord parce que beaucoup de propriétaires ne savent pas encore de quoi il s’agit, ou comment on peut associer le développement durable à l’immobilier ancien. Il y a une réelle mission pédagogique à effectuer dans ce sens. Il y a aussi plusieurs difficultés : d’abord, qu’en est-il de l’immobilier ancien ? Il faudrait faire un diagnostic thermique de tous les logements puis établir la facture énergétique. Un état des lieux est aussi nécessaire pour donner la priorité aux logements énergivores, et apprécier la nature des travaux à entreprendre. Enfin, il faut un réel engagement de la part des techniciens qui entreprendront ces travaux.

Batiactu : Certaines mesures ne sont-elles pas tout simplement trop lourdes et coûteuses ?
RP : On constate effectivement que les immeubles les plus énergivores sont occupés par les familles dont le revenu est précaire. Les incitations fiscales c’est bien, mais lorsque l’on s’adresse à des gens qui ne paient pas d’impôts, ces mesures n’ont aucun effet. L’un des objectifs du développement durable est de faciliter l’intégration sociale et l’égalité des chances. Se pose donc la question du financement des opérations. Tous les points que nous avons recensés dans le rapport remis à Jean-Louis Borloo, représentent des problèmes importants. Il existe manifestement une volonté de l’Etat d’organiser un consensus entre tous les acteurs du logement et les consommateurs, et de s’organiser pour réduire les dépenses énergétiques selon les échéances fixées. Dans l’absolu, tout est possible, mais la réussite dépend des moyens mis en place.

Batiactu :Les propriétaires ne sont-ils pas freinés par une rentabilité à trop long terme des travaux d’amélioration énergétique ?
RP : Il y a bien sûr les fameuses poubelles énergétiques, pour lesquelles de nombreux travaux sont à envisager. La puissance publique connaît ces habitations, on a construit environ 500.000 logements en masse dans les années 1960, à une époque où il n’existait pas de normes ou d’objectifs thermiques. Mais pour d’autres immeubles, les travaux seront amortis dans un délai court de 10 à 15 ans. En regardant les réponses des propriétaires que nous avons interrogés et qui ont effectivement entrepris des travaux allant dans le sens du développement durable, nous nous sommes aperçus qu’ils effectuaient à peu près tous le même type d’améliorations : remplacement de fenêtres, changement d’énergie, volets thermiques, bref tout ce qui à première vue améliore le plus les performances énergétiques du logement.

Batiactu :Envisagez-vous la mise en place d’un label du développement durable ?
RP : Certains immeubles pourraient perdre de la valeur avec une catégorisation de l’immobilier selon sa consommation d’énergie, ce serait le cas de ce que nous appelons les «épaves» énergétiques. Mais dans le même temps, une telle mesure irait dans le sens de ce que veut le consommateur : une plus grande transparence. Il y a des arbitrages à faire pour mettre cette transparence au service du propriétaire ou du locataire sans pour autant tomber dans la discrimination.

Les 15 propositions de la Fnaim au gouvernement

1 – Etablir un véritable état des lieux du niveau de consommation pour l’immobilier existant.
2 – Fixer et hiérarchiser au niveau national des priorités de traitement des logements et immeubles les plus énergivores et à forte émission de gaz à effets de serre (GES).
3 – Préconiser des travaux simples et accessibles qui tendent à une consommation moyenne par logement de 150 KW/m²/an.
4 – Fournir aux professionnels de l’immobilier des référentiels et des méthodes opérationnelles nationales, afin que soit relayée auprès des propriétaires l’information relative à la mise en œuvre de travaux liés au développement durable.
5 – Faire établir avant les travaux un certificat plus approfondi que le diagnostic, tenir les intervenants à une véritable obligation de résultat.
6 – Former les diagnostiqueurs réalisant le DPE (diagnostic de performance énergétique) aux techniques et solutions en matière de développement durable.
7 - Entreprendre une communication efficace et pédagogique à destination des propriétaires d’aujourd’hui et de demain.
8 – Mettre en place un dispositif de crédit d’impôt plus incitatif que celui existant à ce jour pour les immeubles achevés depuis plus de deux ans.
9 – Modifier la loi su 10 juillet 1965 afin de redéfinir ce que regroupent les travaux d’économie d’énergie, pour pouvoir les englober dans une nouvelle catégorie non exhaustive, plus large et plus souple, qui pourrait s’intituler «travaux visant au développement durable».
10 – Faciliter la prise de décision concernant ces travaux lors des assemblées générales de même que l’accès aux parties privatives pour leur réalisation.
11 – Rendre obligatoire la constitution de provisions spéciales dans les immeubles soumis au statut de la copropriété.
12 – Faire en sorte que les provisions ainsi constituées restent attachées au lot en cas de mutation.
13 – Créer en parallèle un produit bancaire simple et défiscalisé, non plafonné.
14 – Modifier la loi du 6 juillet 1989 afin de faciliter la réalisation des travaux par le propriétaire bailleur visant une économie d’énergie.
15 – Mettre en place un label valorisant le développement durable dans le parc immobilier ancien.

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