ANNONCES. Lors d'une visite à Pierrefitte-sur-Seine dans une division pavillonnaire illégale, les ministres de la Justice et du Logement Nicole Belloubet et Julien Denormandie ont annoncé un arsenal supplémentaire contre les marchands de sommeil et appelé à des "sanctions lourdes pour l'exemple".

Ce lundi, la ville de Pierrefitte-sur-Stains, cernée par le phénomène de division pavillonnaire, accueillait la ministre de la Justice Nicole Belloubet et son homologue au Logement Julien Denormandie. Venus visiter des logements insalubres, ils ont rappelé les dispositifs existants de lutte contre les marchands de sommeil et annoncé un nouvel arsenal judiciaire permettant d'accélérer les procédures d'injonction de travaux ou de condamnations(voir encadré).

 

"Il faut donner des exemples très forts, en condamnant lourdement", a martelé Julien Denormandie au cours de la visite. Au deuxième étage du pavillon du 36 rue Alcide d'Orbigny, un logement de 54 m² aux superficies exagérées par la construction de deux balcons résume à lui seul les dégradations subies par les locataires. Humidité avoisinant les 50%, défaut d'isolation, absence de ventilation ou installations électriques dénudées sont le lot quotidien de ceux qui paient jusqu'à 800 euros par mois de loyer.

 

En guise de slogan coutumier, Julien Denormandie a rappelé "vouloir taper au portefeuille les marchands de sommeil". Une antienne qu'il a pu adresser cette fois au propriétaire indélicat, qui, voisin du pavillon, a rejoint le cortège pour tenter de s'expliquer. "Personne dans l'immeuble ne s'est manifesté pour que je fasse des travaux", s'est justifié l'homme de 68 ans face aux ministres Belloubet et Denormandie. Assurant qu'il mettrait les fonds nécessaire à la rénovation du bâti et au relogement des locataires, il se fait rapidement reprendre par le préfet de Seine-Saint-Denis: "vous ne pourrez pas à nouveau y installer 12 logements, il faut que vous le compreniez".

 

13 demandes de permis de construire

 

Avec son long historique, l'édifice prouve que le phénomène de division n'est pas récent. C'est en 1983 que le propriétaire obtient un premier permis de construire. La dernière demande date de février 2015, pour une mise en récolement non conforme. Entre ces deux requêtes, le propriétaire a déposé 13 demandes de permis de construire -rarement accordées-, visant à surélever et diviser un peu plus son logement.

 

"Le pavillon a subi de très nombreuses divisions internes et agrandissements qui ont conduit aujourd'hui à la création de 12 logements au total", précise la mairie de Pierrefitte, alors que le pavillon pourrait être considéré comme décent s'il accueillait mois de 4 logements.

 

Car malgré les rejets d'une majorité des demandes de permis de construire, le propriétaire, aujourd'hui commerçant, ne s'est pas privé d'annexer cave et garage au lot, de surélever des logements, ou d'étendre son pavillon pour y ajouter trois logements. Des éléments qui ne trompent pas le service d'hygiène et de salubrité, mais qui sont difficilement contestables pour certains.

 

Recrudescence des cabanons et des garages

 

"Nous observons que la location de cabanons ou de garages devient courante. Mais nous avons tellement de dossiers à traiter que nous ne pouvons gérer les petites infractions au code de l'urbanisme, d'autant que je sais d'avance que nous serons retoqués en justice car nous n'avons pas de raison de nous opposer à la construction d'un garage", explicite Thomas Salmon, coordinateur du pôle de développement urbain à Pierrefitte-sur-Seine, et qui connaît bien le pavillon du 36 rue Alcide d'Orbigny.

 

Dans cet ensemble dégradé où il a multiplié les mises en demeures restées lettres mortes, "le propriétaire a clairement refusé de réaliser les travaux, et menacé les locataires d'expulsion, qui ont décidé de stopper les procédures", contextualise-t-il.

 

Dans cette ville de Seine-Saint-Denis où l'habitat pavillonnaire représente le tiers du parc locatif, les élus attendent beaucoup des dispositifs hérités de la loi Alur comme le permis de diviser ou de louer. Ce dernier, mis en place en octobre 2017 par la mairie de Pierrefitte-sur-Seine, "reste utile, mais fera ses preuves dans la durée", assure, confiant, l'adjoint au logement Christian Pernot. Si cette autorisation après visite du bien par les services de la mairie "montrera quelques exemples", le relogement reste la partie immergée de l'iceberg.

 

Avec 13 dossiers de permis de louer déposés depuis le début du dispositif, "mais toujours plus d'enfants scolarisés dans nos écoles", Christian Pernot devine que le système est encore contourné et qu'il ne règlera pas le problème de l'accès au parc social ou privé. "Les gens se logent où ils peuvent, ce sont des gens qui travaillent. Chaque année, nous avons en moyenne 2000 demandeurs de logement social, pour 60 attributions par an", regrette-t-il.

 

40 millions d'euros pour racheter les pavillons avant les marchands de sommeil

 

A l'issue de leur déplacement, Nicole Belloubet et Julien Denormandie ont signé une circulaire "relative au renforcement et à la coordination de la lutte contre l'habitat indigne. Des pôles départementaux seront dédiés à ce sujet, et devront élaborer un plan d'actions et d'objectifs avant le 30 avril 2019. Une attention particulière sera portée à six départements: la Seine-Saint-Denis, le Val-de-Marne, l'Essonne, le Nord, les Alpes-Maritimes et les Bouches-du-Rhône, auront des groupes locaux de traitement de la délinquance dédiés à la lutte contre l'habitat indigne (GLTD-LHI).

 

Le ministre de la Cohésion des territoires a par ailleurs annoncé une enveloppe de 40 millions d'euros destinée à la future société de portage foncier mise en place par Action Logement et l'EPF d'Ile-de-France. Celle-ci aura pour tâche de devancer les marchands de sommeil lors d'achats de pavillons, estimés à 100 par an.

 

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