INJONCTION. L'Union européenne demande à la France de réformer son label "Reconnu garant de l'environnement" (RGE). Alain Maugard, copilote du plan de rénovation énergétique des bâtiments, réagit pour Batiactu.

Pour la Commission européenne, le label Reconnu garant de l'environnement (RGE) constitue une forme de distorsion de concurrence. L'institution appelle donc la France à le réformer, dans une lettre de mise en demeure. La France a deux mois pour y répondre, et si elle ne le fait pas elle s'expose à recevoir un "avis motivé" - l'étape suivante, potentiellement, étant celle de saisir la cour de Justice de l'UE.

 

Une injonction qui pourrait aller à l'encontre du plan de rénovation

 

Cette volonté de relâcher la contrainte pesant sur les entreprises RGE semble aller à l'encontre de l'un des objectifs du plan de rénovation énergétique des bâtiments (Preb) : celui de précisément fiabiliser et renforcer ce dispositif censé assurer de la qualité d'intervention d'une entreprise de construction.

 

"Le système de certification impose des conditions trop restrictives"

 

Quels sont les griefs de la Commission ? "Le système de certification [RGE] impose des conditions trop restrictives aux prestataires de services et a des répercussions négatives disproportionnées sur les prestataires de services provenant d'autres États membres", peut-on lire dans un communiqué de presse. L'accusation de fausser la concurrence entre États membres n'est pas la seule critique effectuée sur le label : "En outre, la Commission considère que les conditions de certification, telles que l'expérience antérieure dans le domaine, ainsi que la durée limitée de la certification sont contraires aux règles de l'UE relatives aux services."

 

 

"L'Union européenne se trompe pour la nième fois à ce sujet", réagit Alain Maugard, président de Qualibat et copilote du plan de rénovation énergétique des bâtiments, contacté par Batiactu. "Elle persiste à considérer le fait de faire des travaux comme une prestation de services, ce qui pour nous n'est pas le cas."


L'exemple des assureurs en libre prestation de services (LPS)

 

Par ailleurs, l'ancien directeur du CSTB rappelle que le label RGE a notamment pour objectif d'assurer du bon respect des règles de l'art de la construction, qui sont forcément liées à des règlementations spécifiquement françaises (thermique, incendie...). "Il n'y a pas d'unification des règles de l'art au niveau européen", rappelle-t-il. "Pas plus qu'il n'y en a au niveau assurantiel. On voit d'ailleurs ce qu'a pu donner, avec la crise des assureurs en libre prestation de services, une ouverture tous azimuts du marché..."

 

Enfin, Alain Maugard rappelle que de nombreuses entreprises étrangères, notamment frontalières, sont labellisés RGE. "Toute entreprise européenne peut être labellisée si elle le souhaite." Reste que le Gouvernement devra répondre point par point aux critiques de la Commission pour espérer être entendu.

 

Procédure formelle d'infraction :
La Commission peut engager une telle procédure contre un État membre en violation présumée du droit de l'Union européenne. La première étape consistera à envoyer une lettre de mise en demeure exigeant de plus amples informations au pays concerné, qui devra répondre dans un délai de 2 mois. Si la Commission conclut que le pays ne s'acquitte pas de ses obligations en vertu du droit européen, elle pourra alors lui adresser un avis motivé. Elle demande alors au pays de se conformer au droit de l'Union et d'être informée des mesures prises, à nouveau dans un délai de deux mois. Si le pays ne respecte toujours pas ses obligations, la Commission peut saisir la Cour de justice, même si la plupart des cas sont réglés avant d'être déférés. Dans le cas où le pays ne communiquerait pas les mesures en temps voulu, la Commission pourra demander à la Cour d'infliger des sanctions. Et si, en dépit de l'arrêt de la Cour, le pays ne remédie toujours pas au problème, il est renvoyé une deuxième fois devant la justice européenne. La Commission proposera à la Cour d'imposer des sanctions financières (somme forfaitaire et/ou astreinte) qui prendront en compte l'importance des règles violées, de la période pendant laquelle le droit de l'UE n'a pas été appliqué et la capacité de paiement du pays, afin de garantir "un effet dissuasif de l'amende".

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