OUTILS. La direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages a lancé, après un an de travail, une carte interactive des loyers couvrant tout le territoire. Objectif : apporter un peu de "transparence" au marché de la location. Mais la carte comporte de nombreux flous.

Si la connaissance des loyers pratiqués a avancé ces dernières années en France, c'est surtout dans les zones tendues, où l'enjeu a été considéré prioritaire, et où des observatoires locaux des loyers ont été créés, que cette connaissance nouvelle s'est déployée. Depuis 2018, le ministère du Logement travaillait à un outil statistique plus large, couvrant tout le territoire. C'est sous la forme d'une carte interactive disponible en ligne que le ministère a rendu publiques les données.

 

L'idée, a expliqué, le 3 décembre lors de la présentation de l'outil, Basile Pfeiffer, du bureau des études économiques sur la politique du logement de la DHUP (direction de l'habitat, de l'urbanisme et du patrimoine), est de "disposer d'indicateurs de loyer pour toutes les communes de France, utilisables par tous", en se basant sur "environ 10 millions d'observations, ce qui est riche, même si cela reste expérimental". "L'objectif du projet est de disposer d'indicateurs de loyers pour toutes les communes de France", a résumé l'ingénieur, qui est l'un des créateurs de cette carte. Cette carte de France interactive est disponible sur le site du ministère de la Transition écologique, dont dépend le Logement (disponible ici).

 

Rendre le marché de la location plus transparent

 

L'internaute peut zoomer et cliquer sur la commune de son choix pour savoir quel loyer au mètre carré attendre pour un appartement ou une maison. Derrière ce projet, discrètement annoncé en 2019 par le ministère, il y a l'idée de rendre le marché du logement plus transparent. La carte doit "être utilisable par tous, à la fois les propriétaires, les locataires et les professionnels de l'immobilier", a insisté Basile Pfeiffer.

 

Le sujet des loyers est politiquement sensible car ressurgit régulièrement la question de leur encadrement dans un contexte de hausse continue des prix immobiliers, celle-ci persistant pour l'heure malgré la crise économique et sanitaire. Les villes de Lille et Paris, notamment, ont instauré un plafonnement et plusieurs autres métropoles, dont Lyon et Bordeaux, viennent de demander au gouvernement à faire de même.

 

Utile surtout pour les zones qui ne disposent pas d'un observatoire des loyers

 

Mais la nouvelle carte n'apporte pas de grande nouveauté pour les grandes agglomérations. Des observatoires publics existent déjà et fournissent des données de référence sur les loyers. L'enjeu, c'est plutôt d'établir quels sont les loyers dans le reste de la France, les villes moyennes et petites, ainsi que les zones rurales. Cela représente en gros la moitié des logements loués dans le pays. Pour ce faire, les créateurs de la carte ont compilé une dizaine de millions d'annonces fournies par les grands sites actifs dans le secteur : Leboncoin, SeLoger et PAP.

 

Malgré cela, l'outil comporte de nombreux flous. En particulier, la carte ne dresse qu'un tableau figé sur l'année 2018, alors que les prix ne cessent d'évoluer. Ensuite, il y a une marge d'imprécision puisque ce ne sont que des annonces et non des baux signés. Enfin, de nombreuses communes n'ont tout simplement pas de données : près d'un tiers ne disposent pas d'annonce pour un appartement. Dans ces cas-là, il a fallu extrapoler à partir de communes semblables.

 

Un outil à consolider

 

Avec toutes ces imprécisions, cette carte peut-elle vraiment servir aux propriétaires et leurs futurs locataires ? "Sur le principe, c'est bien d'avoir un dispositif qui donne une idée de la valeur du marché", estime David Rodriguez, juriste auprès de l'association de consommateurs CLCV interrogé par l'AFP. Mais "ce n'est pas assez rigoureux" pour qu'un propriétaire ou un locataire fasse son choix, tranche-t-il, regrettant notamment que la carte fasse le choix de donner les loyers avec les charges comprises alors que celles-ci varient beaucoup selon la nature et l'état du logement.

 

Les créateurs du projet ne cachent pas qu'il n'en est qu'au stade expérimental. C'est désormais à l'agence publique d'information sur le logement, l'Anil, de voir quel usage en faire et comment l'affiner. "On est encore assez loin de pouvoir utiliser ces données pour la politique du logement", admet Basile Pfeiffer, qui pense que la carte pourrait être actualisée d'ici à deux ans. "Dans une deuxième phase, la méthodologie devra être consolidée, l'actualisation organisée et l'aspect partenarial renforcé", explique-t-il.

actionclactionfp