PERQUISITIONS. Dans le cadre de l'enquête de flagrance sur l'effondrement de deux immeubles à Marseille survenu le 5 novembre dernier, les enquêteurs de la police judiciaire ont mené des perquisitions simultanées à l'Hôtel de ville, aux services urbanisme et prévention des risques, et au siège de Marseille Habitat, comme le révèle le média local Marsactu.

Près d'une semaine après l'effondrement de deux immeubles rue d'Aubagne, dans le 1er arrondissement de Marseille, l'enquête s'est concentrée sur la municipalité dirigée par Jean-Claude Gaudin, et les services en lien avec les questions d'insalubrité, mais également le siège de Marseille Habitat, propriétaire de l'immeuble du 63 rue d'Aubagne.

 

Ces perquisitions qui ont pris fin hier à 17h ont été révélées par le site d'information phocéen Marsactu, puis confirmées par le procureur Xavier Tarabeut auprès de l'AFP. "Ces perquisitions ont permis de saisir principalement des supports numériques qui vont être analysés par les enquêteurs", a-t-il précisé, alors que les investigations "vont se prolonger de nombreuses semaines".

 

Le soir-même, le maire de Marseille, après un entretien téléphonique avec le président Emmanuel Macron et le chef du gouvernement Edouard Philippe, a indiqué dans un communiqué la volonté de l'Etat "d'apporter tous les moyens, appuis, expertises, procédures et financements nécessaires, à la fois pour traiter les problèmes des habitants du quartier de Noailles sinistrés et pour renforcer l'efficacité des mesures de lutte contre l'habitat dégradé, insalubre ou indigne".

 

L'effondrement du 5 novembre dernier a causé la mort de 8 personnes. Selon l'AFP, "le rôle de la mairie est également scruté car la municipalité est responsable en cas de péril sur un immeuble, faisant courir un risque pour la sécurité des habitants".

 

Le maire étrillé

 

Depuis plusieurs jours, des voix s'élèvent contre la gestion municipale de l'habitat indigne et de la rénovation du centre-ville. A la volée de bois vert, le maire (LR) de Marseille Jean-Claude Gaudin s'en était remis à l'Etat, exigeant davantage de souplesse dans les procédures de lutte contre l'insalubrité. Mais au lendemain d'une marche blanche (durant laquelle un morceau de balcon s'était effondré, faisant 3 blessés) où résonnait le mot « démission », le premier édile a concédé les manquements de la mairie en matière de lutte contre l'habitat indigne, lors d'une conférence de presse. Une nouvelle marche "de la colère" est prévue ce mercredi.

 

Ce mardi, l'association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) déplore dans un communiqué « l'absence de volonté chez les élus locaux, alors que le logement privé et social est laissé à l'abandon depuis des décennies ». Elle cite d'autres cas d'immeubles dégradés, comme la résidence du Petit séminaire dans les quartiers nord, « censée être démolie par la mairie depuis plus de 10 ans », et la copropriété du parc Corot (13e arrondissement), « décrite comme la 'honte de la ville' ».

 

L'un des immeubles effondrés de la rue d'Aubagne avait été acquis par Marseille Habitat, et figurait dans le Nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU) après trois arrêtés de péril entre 2005 et 2006. La cession des différents lots à la société d'économie mixte avaient pris près de 10 ans, avant que l'édifice ne soit vidé puis muré.


Des immeubles connus des services municipaux et judiciaires

 

L'immeuble voisin du 65 rue d'Aubagne, copropriété privée, était quant à lui « bien connu de la mairie mais aussi de la justice, ayant fait l'objet de plusieurs expertises réalisées dans le cadre de procédures civiles », dont nos confrères du Monde ont pu prendre connaissance.

 

Le n°65 présentait ainsi « un enfoncement », du fait de son emplacement sur une « rue en pente, (où) les immeubles ont été construits avec très peu de fondations, en château de cartes, accolés les uns aux autres ». L'expert Reynald Filipputi qui a étudié le cas de l'immeuble date les premiers désordres à 2008, avec « la présence d'eaux usées en cave sous forme d'une flaque permanente » et le délitement du « liant de la maçonnerie dans les pieds des murs ».

 

Alors que dans l'immeuble mitoyen, Marseille Habitat prévoyait, selon le même rapport, une opération de réhabilitation conséquente, un autre expert, Bernard Pluchino « recommande d'être très vigilant sur la méthodologie des travaux, en particulier de démolition, de gros œuvre et de couverture. Il semblerait désormais que l'immeuble du 67 s'appuie sur le 65 qui est lui-même mitoyen du 63 ».

 

L'expert judiciaire désigné par le procureur de Marseille aura à déterminer la chronologie et les circonstances ayant mené à l'effondrement des deux immeubles du 63 et 65 rue d'Aubagne.

 


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