Un ancien ministre au secours d'un golf interdit par un préfet, un adjoint qui accuse son maire de soutenir un projet immobilier masqué : la tension monte sur la presqu'île bretonne de Lancieux entre les défenseurs du tourisme et ceux des sites naturels protégés.

Entre les prairies du Tertre Corlieu, propriété du Conservatoire du littoral, et un centre nautique, les 30 hectares de "l'école" de golf en projet dans cette commune (1.240 habitants, 6.000 l'été) cristallise les divergences, autour d'une baie fréquentée par oiseaux migrateurs et dauphins sédentaires en passe d'être classée Natura 2000.
Alors que le gouvernement prépare des décrets d'application de la loi de protection et d'aménagement du littoral de 1986, les deux camps sont sur leurs gardes, comme de plus en plus souvent sur le littoral d'une région aux côtes plutôt préservées.

"L'école de golf, qui semble en réalité un golf traditionnel, porte atteinte à l'environnement", et depuis 2002 son promoteur "n'a cessé de réaliser sans autorisation des travaux d'assèchement, de drainage", a estimé la préfecture des Côtes d'Armor devant le tribunal administratif de Rennes.
La juridiction, saisie par le promoteur, Philippe Benadretti, a suspendu en référé le 6 septembre l'arrêté du préfet des Côtes d'Armor interdisant l'ouverture de l'école, lui donnant deux mois pour revoir sa décision.

Interrogée par l'AFP, la préfecture dit envisager un feu vert mais avec plusieurs conditions.
Pour Denis Bredin, délégué Bretagne du Conservatoire du littoral, le cas du golf de Lancieux illustre la "pression systématique" exercée par les "besoins croissants de loisir" et qui "risque de menacer la loi littoral à terme".
Un terrain de golf entraîne "une modification importante de l'écosystème", indique M. Bredin ajoutant: "Et puis souvent derrière un golf il y a un projet immobilier".

Pour Michel Aussant, adjoint d'un maire de Lancieux avec lequel il est en conflit, c'est le cas à Lancieux, ce que nie le promoteur. L'adjoint s'est vu retirer sa délégation.

L'association de Défense du site de Lancieux (ADSLB), dont il est membre, redoute que la mairie ne change le statut de ce terrain inconstructible.
L'ADSLB, affiliée France Nature Environnement (FNE), espère la mise en vente de ce terrain sur la quasi totalité duquel le Conservatoire du littoral a un droit de préemption.

Philippe Benadretti, contacté par l'AFP, n'a pas souhaité s'exprimer avant la fin de la procédure. Mais il a de solides appuis. Devant l'Etat, il a mis en avant une pétition de 600 signatures en sa faveur. L'ADSLB, revendique 400 membres.
"L'école de golf est un produit d'appel pour le développement touristique. Sans ce projet le terrain ne sera pas entretenu. La commune n'en a pas les moyens", selon Charles Josselin, ancien ministre PS et conseiller général de Lancieux, interrogé par l'AFP.
"La commune vivait auparavant d'agriculture. Il faut bien qu'elle vive d'une autre activité aujourd'hui, c'est le tourisme. Le golf, le centre nautique ça attire les jeunes", renchérit le maire André Gilbert, selon qui il n'y a pas d'atteinte à l'environnement.
M. Gilbert assure que les terrains constructibles seront moins nombreux à l'avenir sur la commune. Il n'exclut pas d'autoriser la construction de quelques infrastructures d'accueil pour le golf, mais de façon très limitée, selon lui.

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