DISPARITION. Renée Gailhoustet, architecte de logements sociaux, est décédée dans l'une de ses opérations, en région parisienne. Elle a marqué de son style le paysage de l'habitat en Île-de-France, notamment lorsqu'elle est chargée de mener la rénovation du centre-ville d'Ivry-sur-Seine.

Elle était connue pour ses réalisations en faveur du logement social. L'architecte française Renée Gailhoustet s'est éteinte le 4 janvier 2023 à l'âge de 93 ans dans l'une de ses réalisations dans laquelle elle vivait, à Ivry-sur-Seine (Val-de-Marne). L'édile de la ville, Philippe Bouyssou, a annoncé le décès de cette célèbre architecte dans un communiqué. Considérée comme une pionnière du logement social, celle qui "défendait un urbanisme humaniste", comme le rappelle le maire, avait été missionnée entre la fin des années 1960 et les années 1980 de rénover le centre-ville d'Ivry.

 

 

Une pionnière


Née en 1929 à Oran (Algérie), elle a suivi des études de philosophie puis d'architecture à Paris. Alors militante communiste, elle se passionne pour le sujet du logement social. "Avec pour souci de contribuer à la réflexion sur la qualité du logement dans la France productiviste des Trente Glorieuses, elle fut l'une des premières femmes à exercer le métier d'architecte en son nom propre, en concevant et en construisant d'ambitieux projets dans la périphérie de Paris. D'abord accompagnée de Jean Renaudie, puis seule, elle a mené une réflexion exigeante et prolifique sur l'individualisation de l'habitat social, en refusant la construction standardisée de cette époque", a déclaré la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, dans un communiqué. "Plutôt que des grands ensembles découpant la ville en de tristes miradors orthogonaux, elle a préféré concevoir des immeubles marqués par la figure du triangle, qui privilégient les échanges entre les habitants, le rapport à l'espace extérieur et la fluidité des circulations. […] En choisissant d'organiser l'espace suivant des parcours diversifiés, variées, surprenants et complexes comme la vie, Renée Gailhoustet aura su montrer qu'il existe mille et une façon d'habiter notre monde et que les murs des logements peuvent libérer plus qu'enfermer."

 

Avec son compagnon de l'époque, l'urbaniste et architecte Jean Renaudie, ils réalisent à la fin des années 1960 les "étoiles" d'Ivry, un ensemble d'immeubles aux pointes triangulaires en béton brut. "La première, Raspail, est la plus réussie car les logements sont en semi-duplex. […] Les semi-duplex, c'était une nouveauté à Ivry mais aussi en France ! Rien à voir avec l'uniformité des logements au sein des grands ensembles de l'époque", avait-elle déclaré dans une interview au magazine Ivry ma ville en 2015.

 

Elle a notamment signé la conception de 900 logements dans le quartier de la Maladrerie à Aubervilliers (Seine-Saint-Denis), construits sous la forme de pyramides de béton. "Symbole de cette empreinte forgée dans le temps, plusieurs des ensembles qu'elle a construits bénéficient du label Architecture Contemporaine Remarquable et sa première construction, la Tour Raspail à Ivry-sur-Seine, a été inscrite en 2022 au titre des Monuments historiques", a rappelé la ministre de la Culture.

 

"Le logement n'est pas un produit"

 

Celle qui jouait avec les formes, les volumes et l'agencement des logements, portait la volonté de construire des habitations qui répondent aux besoins de leurs habitants. Elle apportait également de la nature en ville grâce à des patios et terrasses. "Ce que je ressens, c'est que les gens sont sensibles au fait que leur logement n'est pas un logement type, n'est pas un produit. Je reviens là-dessus parce qu'il y a quelques jours, j'ai entendu Agnès Varda qui disait 'On me parle d'un produit film, je ne sais pas ce que c'est, ça me dégoûte'. Moi je dois dire que ça me fait le même effet, le produit logement est vraiment une chose qui me parait tout à fait contradictoire. Quand on travaille pour faire un logement, la première chose est de respecter les gens pour lesquels on travaille et pas de faire quelque chose qu'on va leur faire consommer", a assuré Renée Gailhoustet, dans une conférence tenue au Pavillon de l'Arsenal en 1991.

 

 

Engagée dans la construction de logements sociaux durant plus de quarante ans, l'architecte a été de nombreuses fois saluée au cours de sa carrière, à l'échelle nationale et internationale. Elle a reçu le Prix d'architecture de la Royal Academy of Arts en 2022 pour l'ensemble de son œuvre. "Les réalisations de Renée Gailhoustet, pionnière d'une nouvelle approche, vont bien au-delà de ce qui est produit partout aujourd'hui dans le logement social ou abordable. Son travail fait preuve d'un fort engagement social qui rassemble la générosité, la beauté, l'écologie et l'inclusion", avait affirmé l'architecte et présidente du jury des Prix d'architecture 2022, Farshid Moussavi. La même année, Renée Gailhoustet s'est vue remettre le Grand prix d'honneur du ministère de la Culture. Elle avait également remporté la médaille d'honneur de l'Académie d'Architecture en 2018 et le prestigieux Grand prix des arts de Berlin en 2019. La mention spéciale "pionnière" du Prix des femmes architectes lui avait été également décernée en 2014.

 

Les obsèques de Renée Gailhoustet ont lieu ce lundi 9 janvier 2023 à 15h30 au cimetière parisien d'Ivry.

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