MOBILISATION. L'association des Compagnons Bâtisseurs vient de lancer une campagne de sensibilisation à l'échelle nationale, visant à être mieux identifiée par les particuliers en situation précaire et désireux de rénover leurs logements. Mais l'objectif consiste également à ré-interpeller les pouvoirs publics sur ce sujet. Détails.

"La force de notre association réside dans sa dimension collective d'entraide : nous allons à la rencontre des habitants et nous les accompagnons dans la réhabilitation de leurs logements." C'est par ces mots que Suzanne de Cheveigné, présidente de l'Association nationale des compagnons bâtisseurs (ANCB) a introduit la conférence de presse, donnée par l'organisation ce mardi 13 novembre 2018, pour le lancement de sa campagne nationale de sensibilisation sur la rénovation de l'habitat précaire. Baptisée "Restaurons des vies", cette communication se fixe pour objectif de mieux faire connaître les Compagnons Bâtisseurs auprès des particuliers en situation fragile, et de sensibiliser une nouvelle fois les pouvoirs publics sur ces thématiques. Rappelant qu'environ 4 millions de Français sont considérés comme "mal-logés", les responsables de l'association ont fait retentir leur message avec d'autant plus de pertinence que le récent drame de Marseille - où deux immeubles se sont effondrés en raison de leur vétusté extrême, entraînant ainsi la mort de 8 personnes - est une illustration supplémentaire de ce fléau.

 

Des professionnels assurant qualité et sécurité d'intervention

 

"Notre démarche, c'est de proposer une auto-réhabilitation accompagnée aux personnes en situation de précarité", explique Hervé Cogné, directeur de l'ANCB. "Les Compagnons Bâtisseurs sont des professionnels - nous sommes environ 300 - détenant un savoir-faire sur tous les corps de métiers du bâtiment, et qui assurent une qualité et une sécurité d'intervention. On fait, on fait avec et on fait ensemble, dans une logique de réappropriation de son logement par l'occupant." Concrètement, une personne n'ayant pas les moyens de faire appel à des artisans pour rénover son habitation, peut se tourner vers les compagnons : pour ce faire, un dossier de demande d'intervention doit être déposé auprès d'une assistante sociale, qui se charge ensuite de mettre en relation les membres de l'association avec les particuliers. Ces derniers peuvent aussi bien être des locataires que des propriétaires occupants, et même des individus en grande précarité sans statut. A noter : 60% des personnes accompagnées par les bénévoles sont des femmes.

 

Des partenariats sur tout le territoire

 

Mais comment fonctionne l'ANCB ? Grâce à de nombreuses conventions partenariales conclues dans toute la France, l'organisation peut compter sur des subventions publiques et des financements privés, comme ceux provenant de la Fondation Macif. Rien qu'en Ile-de-France, les Compagnons Bâtisseurs bénéficient de 80 partenariats, essentiellement avec des structures publiques : les communes, les départements, la région, les Caisses d'Allocations Familiales, les bailleurs sociaux, la Fondation Abbé Pierre… "Ces partenariats doivent cependant être en adéquation avec les valeurs des compagnons, à commencer par l'éducation populaire", précise Hervé Cogné. "L'accompagnement se fait sur le long terme, car il s'agit certes d'un suivi technique mais également social", abonde Abdelkebir Taoussi, animateur compagnon. "Nous devons avoir les connaissances et les compétences techniques, car un manque de références peut nuire au principe du compagnonnage." Ce à quoi Dany Lim, un autre animateur en service civique, ajoute : "Ce travail est d'abord un plaisir, un plaisir pour un enjeu fondamental : le bien-être dans son logement".

 

Un appel aux dons jusqu'au 31 décembre 2018

 

C'est pourquoi la mobilisation doit continuer, d'où le lancement de la campagne "Restaurons des vies", qui s'accompagne d'un appel aux dons jusqu'au 31 décembre 2018. Dans les faits, cette sensibilisation se traduira surtout sur les supports digitaux, mais l'ANCB a tout de même prévu des affichages dans les grandes gares ainsi que des spots radios. "On s'est demandé comment accroître notre notoriété, et on a donc décidé de mettre au point une campagne pour 'dire' ce que nous faisons auprès du grand public", explique Suzanne de Cheveigné. "Ce travail de communication doit permettre que les rencontres entre les Compagnons Bâtisseurs et les particuliers soient moins le fruit du hasard à l'avenir." En plein développement du fait d'un nombre croissant de demandes, l'ANCB constate une montée en puissance des besoins, notamment en Outre-Mer. Face à des financements publics de plus en plus serrés, l'association réaffirme son rôle : "Le problème est que l'ANRU [Agence nationale pour la rénovation urbaine, NDLR] s'intéresse surtout à l'enveloppe des bâtiments, moins à leur intérieur. Et c'est là que nous intervenons."

 

 

Pas de substitution aux responsabilités des bailleurs

 

Au-delà de la réhabilitation pure et simple, la problématique de la transition énergétique est également prise en compte dans les travaux de rénovation réalisés par les Compagnons Bâtisseurs. Mais ces derniers tiennent à souligner un point important : "En aucun cas nous ne pouvons nous substituer aux responsabilités du propriétaire s'agissant des travaux d'entretien du bâti", avertit Suzanne de Cheveigné. "De même, nous ne rentrons pas en concurrence avec les artisans professionnels du bâtiment. Il est crucial de comprendre que les particuliers qui font appel à nous le font car ils n'ont pas les ressources nécessaires pour se tourner vers les artisans." Avec une moyenne de 2.000 foyers rénovés par an, dont 80% sont occupés par des locataires (du parc social dans la majorité des cas), l'ANCB se cantonne à des opérations de réhabilitation légère. Les habitants participent d'ailleurs eux-mêmes à la réalisation de leurs chantiers. "Sur le plan de la responsabilité juridique, nous ne pouvons pas prendre la place de bailleurs défaillants", reprend Hervé Cogné. "Notre action permet d'éviter des coûts d'entretien, qui sont souvent bien plus élevés que des coûts de construction/acquisition. Mais force est de constater une chose : dans environ 80% des logements dans lesquels nous intervenons, on est confronté à un dégât des eaux datant de plus d'un an et toujours non-résolu. Les causes et les conséquences sont rarement analysées et solutionnées dans ce genre de cas."

 

Prouver la faisabilité de l'auto-réhabilitation

 

Venir en aide aux occupants précaires et parer des éventuels coûts d'entretien astronomiques pour les bailleurs comme pour les locataires, voilà donc la relation gagnant-gagnant promue par les Compagnons Bâtisseurs. L'association avait même consulté le ministère de la Cohésion des territoires, en charge de la Ville et du Logement, en amont du lancement du NPNRU (Nouveau programme national de renouvellement urbain) pour demander au gouvernement d'intégrer la question de l'auto-réhabilitation dans le dispositif. Mais pour l'heure, les négociations n'ont pas formellement abouti. Dans tous les cas, l'ANCB reste confiante : "Notre démarche est de prouver la faisabilité de l'auto-réhabilitation, tout en assurant un rôle de médiation entre bailleurs et locataires", conclut Suzanne de Cheveigné. "Nous endossons même parfois un rôle juridique, car il nous arrive d'être consultés en tant qu'experts par des tribunaux lors de procédures judiciaires. Ce qui prouve l'intérêt économique et social de notre association."

 

Pour en savoir plus sur la campagne nationale de sensibilisation à l'habitat précaire "Restaurons des vies", rendez-vous sur le site de l'Association nationale des compagnons bâtisseurs : https://www.compagnonsbatisseurs.eu/

 

Le site dédié aux donations est consultable en suivant ce lien : https://don.compagnonsbatisseurs.eu/

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