Les professeurs du Collège de France étaient réunis hier soir à Paris pour écouter la leçon inaugurale de l’architecte Christian de Portzamparc, premier titulaire de la chaire de création artistique. L’occasion pour lui de rappeler que l’architecture est un art public.

«Architecture : figures du monde, figures du temps», tel est l’intitulé du cours hebdomadaire que donnera Christian de Portzamparc à partir du 24 février au Collège de France (*). L’architecte, titulaire pour un an de la nouvelle chaire de création artistique, rappelait jeudi soir lors de sa leçon inaugurale que depuis toujours l’architecture a été «un dialogue entre l’homme et son environnement». Des grandioses temples précolombiens d’hier, dont les formes «pures» imitaient celles des montagnes,... aux triviaux centres commerciaux d’aujourd’hui, qui structurent «soit-disant» les espaces urbains.

Pour Christian de Portzamparc, l’architecture est un «art public, imposé à tous». Mais contrairement à un artiste en quête d’absolu, son auteur doit «s’expliquer et rendre des comptes». Il engage sa responsabilité auprès de celui qui le paye, ainsi qu’envers l’ensemble de la société pour qui il construit un cadre de vie. «Le maître d’oeuvre se trouve enlacé par les décisions réglementaires, tout en étant libre de suivre sa vision ou son caprice artistique», résume l’architecte. Et d’énoncer alors : «N’est-ce pas magnifique ?».
En réalité, comme tous les créateurs, les architectes éprouvent une certaine angoisse mêlée d’incertitude devant leur page blanche : un site à aménager. «En architecture, il n’existe pas qu’une seule vérité», déclare Christian de Portzamparc, en référence aux concours. «Face aux mêmes facteurs énoncés dans le programme, les réponses divergent et parfois plusieurs d’entre elles peuvent être bonnes», dit-il. Pour lui, «l’étonnement» devant rester l’une des «étincelles» de la création.

«Une chance de sortir de la machine productive»
Le poste de titulaire d’une chaire au Collège de France, Christian de Portzamparc le prend comme une «chance de sortir de la machine productive qu’est l’architecture aujourd’hui, et de pouvoir réfléchir sur ses effets». L’architecte dénonce la répétition à travers le monde des formules spatiales rentables établies par certains bureaux d’études. Car elles ne mettent en jeu ni l’imaginaire, ni l’imprévu, ni la mixité. Il déplore également la difficulté de mener à bien les chantiers. «L’assemblage à sec des matériaux et le téléguidage ont remplacé une main-d’oeuvre capable de tailler, de mouler et de coller», explique-t-il.
La ville, devenue «la nouvelle figure du politique», suscite un certain nombre d’inquiétudes chez Christian de Portzamparc. Il constate que l’architecture du passé est appréciée en tant que patrimoine loisir. Tandis que l’architecture du présent illustre, par des chiffres, le dynamisme économique. «Avec la présence de plus en plus répandue d’images refuges du passé, notamment concernant les bâtiments publics, la régression se porte bien», critique l’architecte. Elle freine «l’aspiration et l’inspiration du renouveau». Sachant que «l’architecture est un morceau du futur qui est advenu», une question se pose : «aimons-nous le même futur ?», conclut-il avant d'être vivement applaudi.

(*) «Architecture : figures du monde, figures du temps»
Par Christian de Portzamparc
Collège de France
11, place Marcelin Berthelot, Paris 5ème arrondissement
Amphithéâtre Marguerite de Navarre
Cours tous les vendredis, à 17 heures (du 24 février au 5 mai 2006)
Ouverts à tous, sans inscription préalable

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