ÉTUDE. Dans leur dernier baromètre, l'Institut supérieur des métiers et la compagnie d'assurance MAAF affirment que les entreprises artisanales se développent en milieu urbain mais se raréfient dans les campagnes. Les artisans du BTP s'avèrent, eux, particulièrement bien implantés dans le Sud de la France. Mais les chiffres de l'emploi sont inquiétants. Détails.

Voilà un constat qui aggrave encore le déséquilibre entre les milieux urbain et rural : selon le dernier baromètre de l'Institut supérieur des métiers (ISM) et de l'assureur MAAF, les dynamiques des entreprises artisanales divergent suivant les différents types de territoires - grandes agglomérations, communes périphériques des villes-centres, villes moyennes, communes rurales et quartiers prioritaires. Bien que les artisans assurent un maillage territorial sur l'ensemble du territoire national, leur activité de proximité et de service reste viscéralement attachée à la répartition et à la densité de population. En moyenne et à l'échelle du pays, 37% des entreprises artisanales sont ainsi implantées dans des unités urbaines de moins de 10.000 habitants, et 38% dans de grandes agglomérations - c'est-à-dire des unités urbaines de plus de 200.000 habitants -, dont 15% dans l'unité urbaine de Paris.

 

 

Dans le détail des secteurs d'activité, on note que l'artisanat du BTP et de la fabrication sont les plus affectés par cette évolution, parfois qualifiée de "crise" par les auteurs de l'étude. Mais les segments de travaux affichent des résultats contrastés : par exemple, la maçonnerie générale/couverture/étanchéité est représentée à 30% en milieu rural contre 26% dans les villes-centres, tandis que le génie civil est présent à 23% dans les campagnes, contre 27% dans les agglomérations. A contrario, la construction de bâtiments résidentiels ne s'octroie que 14% dans les communes rurales, mais grimpe jusqu'à 32% dans les villes-centres.

 

La Seine-Saint-Denis affiche la plus forte "densité" en artisans

 

Il est une autre catégorie de territoires où le secteur du BTP est largement représenté : les quartiers prioritaires de la politique de la ville, qui comptabilisent en effet environ 90.000 établissements artisanaux, soit 43% du total des entreprises. Les trois départements les plus "denses" en artisans sont la Seine-Saint-Denis (14.300), suivie par les Bouches-du-Rhône (6.900) et le Nord (5.500). Dans ces banlieues, les entreprises artisanales sont unipersonnelles à hauteur de 65%, et c'est surtout le secteur du BTP - maçonnerie générale et travaux de finition - qui y est représenté.

 

Si l'on s'intéresse à la densité d'entreprises artisanales du BTP par zone d'emploi, on s'aperçoit que le Sud de la France bénéficie d'un maillage conséquent. "Le tissu est globalement moins dense dans la partie septentrionale de l'Hexagone, par opposition aux territoires du Sud", détaille le baromètre. "Pour les deux secteurs [BTP et services], les densités les plus faibles sont relevées dans les régions Hauts-de-France et Pays-de-la-Loire, les plus fortes en Corse et Provence-Alpes-Côte d'Azur. Contrairement à l'artisanat de l'alimentation, le nombre d'entreprises rapporté à la population est plus élevé dans ces secteurs en Ile-de-France et dans son pourtour."

 

Des destructions d'emplois importantes dans le BTP, surtout au niveau de l'apprentissage

 

Sur le front de l'emploi, les communes rurales, de même que les petites et moyennes agglomérations, sont malheureusement fragilisées. Entre 2013 et 2016, les emplois du BTP se sont rétractés de 8% dans les campagnes, de 7% dans les villes isolées et les villes-centres, et de 3% dans les banlieues. L'apprentissage est pour sa part frappé de plein fouet par cette crise de l'artisanat : toujours sur la même période, tous les types d'agglomérations ont vu leurs effectifs d'apprentis dans le BTP fondre de 21 à 29%.

 

D'autres chiffres méritent d'être soulignés, à l'instar de la part des micro-entrepreneurs parmi les artisans indépendants. Cette proportion dépasse les 40% en Ile-de-France, dans les Hauts-de-France et le Grand Est, mais la même tendance se retrouve en Nouvelle-Aquitaine et surtout en Occitanie, en Provence-Alpes-Côte d'Azur et en Corse, où la part peut y dépasser les 50% et frôler les 60%. En 2017, les entreprises artisanales sans salariés se chiffraient à 61% dans le total des unités urbaines. Dans les communes rurales, le niveau était de 64%, alors qu'il était de 58% dans les unités urbaines de 10.000 à 20.000 habitants, de 59% dans celles de 50.000 à 100.000 habitants et de 61% dans l'unité urbaine de Paris.

 

Un artisanat qui tient bon mais qui peine à se consolider en milieu rural

 

Tous secteurs d'activité confondus, les régions où le tissu artisanal est le plus dense sont la Bourgogne-Franche-Comté (48% des artisans y sont localisés en commune rurale), la Normandie (40%) et le Centre-Val de Loire (39%). "Le tissu artisanal est présent dans tous les territoires, qu'ils soient ruraux ou urbains", développe Bruno Lacoste, directeur marketing et communication de MAAF. "L'artisanat mérite plus que jamais le qualificatif de 'proximité' - au plan géographique comme au plan des relations avec la population - et concourt directement à un développement économique harmonieux à l'échelle locale."

 

D'après l'étude de l'ISM et de la MAAF, le nombre d'artisans en général tend tout de même à progresser partout en France : +22% dans les communes rurales, +24% dans les villes moyennes, +31% dans les communes périphériques des villes-centres et jusqu'à +36% dans l'unité urbaine de Paris. Un constat que nuance toutefois la directrice des études et du développement économique de l'ISM, Catherine Elie : "Si de nombreuses entreprises se créent dans les territoires ruraux, elles ont du mal à se développer et à créer de l'emploi salarié. A l'inverse, les communes périphériques des villes-centres, plus particulièrement dans l'aire urbaine de Paris, cochent toutes les cases : hausse du nombre d'entreprises et créations d'emplois salariés."

 

 

 

Quelle méthodologie a été employée pour cette étude ?

 

Ce baromètre de l'artisanat est publié 4 fois par an par l'ISM et la MAAF. Son objectif est de mettre en avant les grandes tendances du secteur de l'artisanat dans la richesse de ses composantes économiques et sociales - caractéristiques des dirigeants, des entreprises et des emplois, en fonction des secteurs et des territoires. Pour ce faire, l'ISM exploite des fichiers nationaux de données, provenant entre autres de l'Insee (Institut national de la statistique et des études économiques) et de l'Acoss (Agence centrale des organismes de Sécurité sociale).

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