ANALYSE. Dans la foulée de la promulgation, fin novembre 2018, de la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique - Elan -, la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) décrypte les principales mesures du texte et leur impact sur le secteur.

"La Fnaim est globalement satisfaite de la concertation qui a été menée pour la réalisation de la loi Elan, bien qu'elle regrette l'abandon de certaines dispositions qui avaient vocation à rééquilibrer la loi Alur en faveur du bailleur." Voici le constat général dressé par Jean-Marc Torrollion, le président de la Fédération nationale de l'immobilier, sur la loi logement du Gouvernement Macron/Philippe, suite à sa promulgation fin novembre 2018. Et de développer son propos : "Dommage, par exemple, que le retard de loyer ne puisse pas donner lieu à indemnité pour le bailleur. Même regret pour le préavis qui reste d'un mois en zone tendue, alors qu'il aurait pu passer à deux, comme partout ailleurs, ce qui favorise la rotation du parc. Encore plus dommage, la version définitive du texte a censuré des articles que la Fnaim soutenait, tels que l'article 200 qui instaurait la gratuité de la demande d'autorisation de mise en location d'un logement ; l'article 147 qui exemptait les propriétaires pratiquant la location saisonnière de fournir certains diagnostics afin de réduire les inégalités face aux plateformes de location ; ou l'article 155 qui instaurait une révision tous les cinq ans de la liste des charges récupérables par le bailleur auprès de son locataire."

 

Le bail mobilité accueilli favorablement, l'encadrement des loyers rejeté

 

L'organisation décrypte plus précisément les enjeux du texte législatif en analysant les conséquences des principales mesures pour les porteurs de projets immobiliers. Pour commencer, la Fnaim accueille favorablement le bail mobilité, un dispositif inédit jugé simple et permettant de satisfaire les propriétaires comme les locataires : "En tout état de cause, il s'agit d'inciter certains propriétaires d'actifs immobiliers qui ne louent pas leurs biens à le faire", indique Jean-Marc Torrollion. "Pas d'inciter ceux qui sont déjà dans des circuits de location classique à quitter ces derniers au profit de ces nouveaux baux de courte durée !"

 

 

En revanche, la fédération continue à déplorer le système d'encadrement des loyers, réaffirmé dans la loi Elan. Cette dernière offre désormais la possibilité aux maires et aux présidents d'EPCI (Établissements publics de coopération intercommunale) situés en zones tendues d'instituer cet encadrement. De plus, seules certaines parties des zones tendues peuvent être concernées par le dispositif ; autrement dit, deux communes situées sur le même territoire peuvent connaître une situation différente, l'une encadrant ses loyers, l'autre non. Ce qui peut constituer, d'après la Fnaim, une entorse au principe d'égalité, fondement du droit administratif, et ainsi engendrer des recours de la part d'administrés qui s'estimeraient lésés.

 

L'encadrement des loyers "décourage l'investissement immobilier pour cause de confiscation des revenus de l'épargne"

 

"La Fnaim ne change pas d'avis sur cette question de l'encadrement des loyers : elle regrette cette possibilité qui décourage l'investissement immobilier pour cause de confiscation des revenus de l'épargne, alors que, sauf exception, le marché se régule tout seul", assène Jean-Marc Torrollion. L'organisation se dit d'ailleurs prête à intervenir sur le plan juridique si des élus locaux instrumentalisent l'encadrement des loyers à des fins politiques et non dans un souci de régulation du marché.

 

Des garanties pour les professionnels, des doutes sur le bail numérique

 

Sur un plan plus administratif, la fédération se réjouit de la reconnaissance des titres d'agents immobiliers, introduite par Elan. D'après elle, cette mesure permettra de clarifier les rôles et responsabilités de chaque acteur du secteur. La lutte contre les squatteurs constitue une autre amélioration apportée par le projet de loi : dorénavant, il est possible de déloger des squatteurs tout au long de l'année, étant donné que la trêve hivernale ne s'applique plus pour eux. Une évolution saluée par les professionnels de l'immobilier : "Cette lutte contre les squatteurs est un premier pas symbolique dans la protection des propriétaires ; il faudra faire encore mieux pour protéger ceux d'entre eux qui se retrouvent parfois dans des situations dramatiques", souligne le président de la Fnaim.

 

La Fnaim est par contre vent debout contre le bail numérique, qui consiste à automatiser l'envoi aux différents observatoires des données issues de ces contrats de location numérisés. Jean-Marc Torrollion est catégorique : "Cette automatisation de l'envoi des données issues des baux numériques aux observatoires peut être assimilée à une intrusion du Gouvernement dans la réglementation de nos systèmes d'information. Le filtre professionnel existe déjà et doit être suffisant."

 

Vigilance sur la révision des règles de copropriété

 

Enfin, la profession reste vigilante sur la future révision des règles de copropriété, qui devrait intervenir d'ici deux ans. L'ensemble des textes qui y sont relatifs seront revus et corrigés, dans l'optique de simplifier la réglementation, afin de prendre en compte toutes les tailles de copropriétés et d'introduire des processus de dématérialisation. Prenant l'exemple des votes par procuration ou de l'utilisation de la visioconférence lors des assemblées générales, la Fnaim estime que le mode de gestion et la place des syndics pourraient toutefois en être affectés.

 

Dernier impact notable d'Elan sur le secteur immobilier : le renforcement du rôle du Conseil national de la transaction et de la gestion immobilières - CNTGI -, présenté comme l'organe de concertation des consommateurs et des professionnels du secteur. Cette mesure, perçue comme une "victoire" par la Fnaim, attribue une nouvelle compétence en copropriété au CNTGI. En outre, une commission de contrôle apte à saisir les services de l'Etat a été créée. La fédération salue sa mission de concertation entre associations de consommateurs et professionnels de l'immobilier, même s'il est à noter que ces derniers sont majoritaires dans le collège. De nouveaux acteurs représentant les consommateurs ont certes fait leur entrée, mais ils ne bénéficient d'aucun droit de vote.

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