L'Empire State Building est redevenu le point culminant de Manhattan. C'est bien ce qui inquiète de nombreux locataires, effrayés à l'idée de travailler dans la cible potentielle que constitue le plus fameux gratte-ciel au monde.

Selon des spécialistes de l'immobilier d'entreprise et l'hebdomadaire new-yorkais Crain's, un nombre croissant d'entreprises installées dans les 102 étages érigés en 1931 ont choisi de déménager pour une adresse plus anonyme, ou désirent le faire.

"Un de nos clients a quitté l'immeuble car il devait embaucher et craignait que ce soit un problème", assure Debbie Binstok, agent immobilier chez Miller and Partners. "De plus, les évacuations" (à la suite d'alertes à la bombe) "étaient si fréquentes qu'ils ne pouvaient plus travailler".

Giorgio Versea, agent chez GWA Williams, ajoute: "une entreprise de chasseurs de têtes que je représente aimerait bien partir mais ne peut se permettre de rompre son bail. Aujourd'hui encore, certains de leurs clients refusent de monter les voir au 64e. Une de leurs cadres donne ses rendez-vous en dehors, à l'heure du déjeuner".

Dans un article intitulé "L'Empire State se vide" Crain's New York, réputé pour sa couverture du marché immobilier new-yorkais, assure que "l'espace vacant a triplé depuis la mi-2001 et représente 15% du bâtiment".

L'attaché de presse du gratte-ciel, Howard Rubenstein, plaide que "c'est un pourcentage très faible, en aucun cas alarmant. Les loyers ont un petit peu diminué mais c'est à cause du marché immobilier. Ce n'est pas lié directement au 11 septembre."

Mais "un taux d'inoccupation de 15%, c'est élevé pour un immeuble en plein centre de Manhattan", rétorque Debbie Binstok. "C'est lié aux attentats: l'Empire State Building sort tellement du lot".

Giorgio Versea n'a organisé que trois visites en quatre mois: "les gens recherchent des immeubles plus petits, moins visibles, où l'on ne craint pas d'être une cible."

Depuis le 11 septembre l'Empire State Building, dont la terrasse accueille trois millions de touristes par an, est sous haute surveillance. Aux entrées, dotées de détecteurs de métaux, des vigiles exigent une pièce d'identité avec photo. Cela rassure à peine les employés et indispose souvent les clients.

Edith Portuguez, 41 ans, travaille au 49e étage. "Si j'ai peur? Je suis terrifiée, vous voulez dire ! Là haut, c'est effrayant. Je passe mon temps à regarder par la fenêtre pour voir ce qui pourrait se passer ou quand j'entends des sirènes".

"Tous les matins ma fille de onze ans me dit: " S'il te plaît, maman, n'y va pas ! " Mais c'est difficile de trouver du travail en ce moment. Plus tard je me trouverai un travail dans le Queens, pas question de rester à Manhattan". Le bureau de Deborah Lubailer, 42 ans, est juste au-dessus de l'entrée. "Alors si une bombe explose... Tout le monde partage mon sentiment au bureau. Au début on parlait tous de partir. Mais on est resté... et on restera".

Selon Crain's, le Chrysler Building voisin, tout aussi connu avec ses arches de métal art-déco et ses aigles de métal, connaît la même désaffection. Et des sociétés ont quitté le Rockfeller Center à la suite des lettres empoisonnées au bacille du charbon reçues par la chaîne de télévision NBC.

Alice Lynn, 45 ans, comptable au 36e étage de l'Empire State, se rassure comme elle peut: "l'Empire State Building me semble sûr. En 1945, un avion s'est écrasé contre l'immeuble. Le feu a été contenu sur quelques étages."

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