PROJET. Pour la première fois de sa jeune histoire, le concours Réinventer Paris 2 a désigné des riverains comme lauréats d'un de ses projets. Dans une ancienne station de pompage d'Auteuil, trois habitants du 16e arrondissement ont décidé de proposer leur copie : l'Usine des cinq sens.

Géraldine Mézières, porteuse du projet, est toujours "sur un petit nuage", tandis que l'architecte Françoise Raynaud cherche encore la date à laquelle l'équipe pourra sabrer le champagne. Le 15 janvier dernier, la maire de Paris Anne Hidalgo et son adjoint à l'urbanisme Jean-Louis Missika annonçaient les 20 lauréats de la deuxième édition de Réinventer Paris, dont l'Usine des cinq sens.

 

Une première pour Géraldine Mézières et ses deux autres associés, peu familiers de la maîtrise d'ouvrage, mais aussi pour la Ville de Paris qui primait pour la première fois un collectif de riverains.

 

Venue du monde du design et du parfum, Géraldine Mézières a le 16e arrondissement pour lieu de vie et de travail. "Ma tante habite juste en face de l'usine de pompage, c'est un lieu que je connais depuis 40 ans et je trouvais dommage qu'il soit caché par un mur, qui le masquait et qui ajoutait au côté 'no mans land' de l'avenue de Versailles", confie-t-elle.

 

Le site ayant été proposé par la Ville de Paris, Géraldine Mézières et ses deux acolytes décident de candidater et rédigent, en 3 pages, "le rêve que l'on se faisait de ce lieu". Sélectionnée au premier tour, l'ébauche textuelle de l'Usine des cinq sens cherche désormais l'architecte qui lui donnera corps.

 

Conserver l'architecture

 

"Nous ne connaissions, a priori, pas d'architectes. Une collaboratrice m'avait dit qu'elle était amie avec une architecte qui réalisait plutôt des tours, et un de mes associés s'était fait conseiller un cabinet d'architecture. Il s'agissait en fait de la même architecte", se rappelle, amusée, la porteuse du projet. "Un alignement des planètes", illustre quant à elle Françoise Raynaud, l'architecte en question et fondatrice de l'agence Loci Anima.

 

Françoise Raynaud se trouve quelque peu "hors de sa zone de confort" face à cette organisation nouvelle et la communication avec des riverains qui maîtrisent peu le jargon architectural. Mais pour cette chantre de la synesthésie dans l'architecture comme dans la ville, "je trouvais enfin un programme qui permettait de faire un manifeste autour de ces idées".

 

Une fois les rêves confrontés aux contraintes techniques de l'édifice et sa viabilité économique, la maîtrise d'ouvrage décide de "conserver l'architecture, les perspectives et les dimensions", de l'usine aux façades en brique et son squelette ferreux typique du début du XXe siècle où il a été bâti.

 

Condition sine qua non à l'attribution du site par la Ville de Paris, la rentabilité de l'Usine des cinq sens doit être assurée par une auberge de jeunesse, des lieux de restauration et des espaces évènementiels. Ayant aussi vocation à être ouvert sur le quartier et ses habitants, l'ancienne usine accueillera une place de marché bio et locavore, des jardins partagés, des ruchers et un pavillon des cinq sens proposant la création d'un parfum ou d'un instrument de musique.

 

"Autre élément auquel je tenais beaucoup dans le dossier, un bal du dimanche intergénérationnel animé par les musiciens du quartier", ajoute Géraldine Mézières.

 

Péristyle

 

Prônant "la générosité réciproque" et "la politesse urbaine", Françoise Raynaud a conçu un péristyle en verre et bois comme l'une des pièces maîtresses du futur lieu, qui atténuera les nuisances sonores sans bunkeriser le site. Lors des concertations menées par les trois riverains auprès de leurs voisins, le bruit constituait la principale inquiétude, dans ce site qui sera ouvert de 8h à 22h.

 

Usine des cinq sens
usine des cinq sens © Loci Anima/Grenade

 

Pionniers de ce type de projet de mutation à grande échelle, Géraldine Mézières et ses associés font encore figure d'exception en tant qu'entrepreneurs ayant mis leurs propres fonds dans ce projet, même si un recours à des subventions de la Banque des territoires ou de la BPI serait "tout à fait possible" selon Géraldine Mézières.

 

Quant à la fabrique technique du projet, cette dernière évoque l'absolue nécessité de "s'entourer très vite de professionnels, architectes et bureaux d'études qui analysent le site et sa constructibilité, et un économiste, compte tenu de cette aventure financièrement très importante". Mais en matière de programmation, l'architecte Françoise Raynaud réfute l'idée qu'il faudrait "être spécialiste" pour se lancer dans une telle aventure, mais qu'il "suffit de vivre sa ville".

 

 

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