INTERVIEW. Malgré la conjoncture fragile de la profession, les architectes français s'exportent bien. Du nord au sud, d'est en ouest, ils sont consultés pour des projets publics et privés, des ouvrages d'art, des hôpitaux, des lycées ou des maisons particulières. C'est à l'Afex, l'association des architectes français à l'export, que les 200 adhérents se retrouvent pour capitaliser leurs expériences et derniers tuyaux. Rencontre avec Madeleine Houbart, secrétaire générale, et François Roux, président de l'Afex et associé d'Ateliers 2/3/4.

Batiactu : quel est le rôle moteur de l'association des architectes français à l'export (Afex), qui compte aujourd'hui près de 200 membres ?
Madeleine Houbart et François Roux :
Créée en 1996, l'Afex est une association de 197 membres dont 116 architectes auxquels sont associés des ingénieurs, des urbanistes, des paysagistes, des architectes d'intérieur et des industriels, qui ont décidé d'unir leurs expériences pour promouvoir dans le monde le savoir-faire français.

 

Au commencement de l'association, il y avait le désir commun de quelques-uns de soutenir l'architecture française dans le monde en distinguant les bâtiments les plus réussis qu'elle produit. Pour donner une réalité à ce projet, il fallait une ambition partagée et des rencontres d'architectes français et étrangers stimulantes. C'est ainsi que le Grand Prix Afex* a été créé dans la foulée. Objectif : distinguer tous les deux ans un projet - équipements culturels, grands ouvrages d'art, écoles, logements, bureaux- remarquable livré à l'étranger par un architecte français. Et tous les architectes inscrits au tableau de l'Ordre des architectes français peuvent faire acte de candidature.

 

D'ailleurs, pour la première édition de ce Grand Prix, le jury avait sélectionné dix réalisations sur quatre continents, et récompensé Dominique Perrault pour sa célèbre université féminine Ewha à Séoul (Corée). Depuis, le Grand Prix Afex est maintenant bien installé dans les esprits.

 

Outre la promotion du savoir-faire des architectes français dans le monde, à travers notre prix, nos missions sont diverses et variées : animer un réseau de professionnels de l'urbain et de partenaires publics et privés engagés à l'export ; diffuser de l'information sur les marchés et les appels d'offres internationaux ; faciliter l'accès aux aides à l'export ; développer le partage d'expériences, publier des guides-export géographiques ou thématiques; organiser des colloques en France ou dans les ambassades de France à l'étranger; et enfin accompagner les clients étrangers à la recherche d'expertise française.

 

Batiactu : Quel regard portez-vous sur les architectes français qui travaillent à l'étranger confrontés à une concurrence mondiale de plus en plus rude ?
Madeleine Houbart et François Roux :
Dans cet environnement mondial très compétitif, les quelque 200 architectes français sur les 28.000 recensés sur le territoire tirent bien leur épingle du jeu grâce à une créativité et un savoir-faire reconnus à travers le monde. L'export est surtout une école d'humilité, de maturité, une véritable formation continue ! Et ce n'est pas parce qu'il est difficile de débuter en France, qu'il faut tout de suite se réfugier au Brésil ou en Asie !

 

Autre constat : le problème de taille rend difficile l'accès à l'international. Il n'existe pas de panorama chiffré récent, mais d'après nos dernières estimations datant de 2005, une vingtaine de sociétés sur les 247 réalisaient les deux tiers du chiffre d'affaires international du secteur, et même 54 % pour les 10 premières.
Ce sont donc globalement des agences généralistes de plus de 50 salariés qui prennent des risques, viennent ensuite les agences spécialisées à l'étranger dotés de 10 à 15 architectes, ou le cabinet qui tente quelques expériences. Dans ce cas précis, on n'est plus dans l'export !

 

Enfin, l'esthétique prime sur la technique. Nous nous rendons compte qu'en Allemagne ou en Angleterre, la formation est commune et, en agence, les équipes sont intégrées, les ingénieurs peuvent conclure des permis de construire alors qu'en France seul un architecte peut signer un permis de construire !

 

Batiactu : Enfin, quelles sont vos priorités de l'Afex dans les prochaines années?
Madeleine Houbart et François Roux :
Notre défi est de continuer d'accompagner les architectes français à travers le monde dans ce contexte économique fragilisé. Nous devrions aborder de nouveaux pays tels que ceux d'Asie centrale ou le continent africain. Et surtout n'oublions pas les pays en difficulté à l'image des villes irakiennes comme Erbil et Mossoul, repères de capitaux-risqueurs.

 

Nous comptons poursuivre des voyages promotionnels aux côtés d'Ubifrance, présente dans 60 pays à travers 80 bureaux, dont le rôle est d'accompagner les entreprises françaises dans leur développement à l'export. Cela permet ainsi de déblayer un marché dans une ambassade, de mieux connaître les acteurs et enfin développer une campagne de rendez-vous ciblés avec des promoteurs et des investisseurs sur place. Enfin, un développement à l'étranger ne peut se faire ni sans un partenaire local avec lequel s'associer ni sans une présence répétée de l'architecte. C'est un point fondamental.

 

Enfin, les architectes comptent jouer un rôle important afin de rendre une ville désirable, et de la faire évoluer avec et pour les citoyens. Dans ce cadre, on s'est s'est mobilisé en publiant un guide présentant les principes de la ville durable à la française. Il ne s'agit pas d'une méthode mais de principes à partir desquels réfléchir.

 

*Depuis le 29 janvier et jusqu'au 9 mars 2015, la Cité de l'architecture et du patrimoine accueille l'exposition itinérante 'Ailleurs / Outwards', présentant 10 bâtiments livrés hors de France entre janvier 2012 et décembre 2013, élus au Palmarès du Grand Prix AFEX 2014.

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